Votre ancêtre était un volontaire canadien pendant la guerre civile espagnole?

Par Nicole Watier

Notre service de généalogie doit parfois répondre à une question des plus complexes : « Par où dois-je commencer pour trouver les dossiers de service de mon ancêtre qui a participé à la guerre civile espagnole? »

Les Canadiens en savent un peu sur la guerre civile espagnole (1936-1939) grâce entre autres au tableau de Pablo Picasso représentant la destruction de la ville de Guernica, au célèbre roman d’Ernest Hemingway Pour qui sonne le glas, ou à l’un des films sur le Dr Norman Bethune montrant son unité mobile de transfusion sanguine et l’Instituto Hispano Canadiense de Transfusión de Sangre.

Photographie noir et blanc d’un homme et d’une femme debout devant une camionnette dont l’arrière est marqué d’une marqué d’une croix.

Unité mobile canadienne de transfusion sanguine pendant la guerre civile espagnole; à droite, le Dr Norman Bethune. (a117423)

La guerre civile espagnole débute le 18 juillet 1936, et le Canada, comme beaucoup d’autres pays, n’intervient pas officiellement. Bien qu’il soit illégal pour un Canadien de participer à ce conflit en vertu de la Loi sur l’enrôlement à l’étranger adoptée par le gouvernement du Canada, plus de 1 400 Canadiens se portent volontaires pour défendre le gouvernement espagnol. Plus de 40 000 combattants volontaires de partout dans le monde se battent en faveur du gouvernement démocratique républicain (soutenu par l’Union soviétique et le Mexique), contre les officiers de l’armée espagnole dirigés par le général Francisco Franco (soutenus par l’Allemagne et l’Italie). C’est le Parti communiste du Canada qui organise la campagne de recrutement au Canada.

Il est difficile, pour diverses raisons, d’établir le nombre exact de volontaires canadiens et d’en retrouver la trace après la fin de la guerre.

Alors qu’un nombre croissant de volontaires canadiens arrivent en Espagne, on met sur pied le bataillon Mackenzie-Papineau (ou les « Mac-Paps »), ainsi nommé en l’honneur de Louis-Joseph Papineau et de William Lyon Mackenzie, chefs des rébellions de 1837 et 1838. Les Canadiens intègrent aussi les rangs d’autres bataillons des brigades internationales, dont le bataillon Abraham Lincoln et le bataillon Washington.

Ceux qui veulent servir en Espagne recourent à divers moyens pour quitter le Canada. Ils sont nombreux à se rendre à New York ou dans d’autres pays pour s’embarquer à bord de navires. Certains utilisent de faux noms. Il y a aussi le problème habituel dû aux variations d’orthographe dans les noms inscrits sur les documents qui complique toujours la recherche. Comme de nombreux volontaires canadiens sont originaires d’Europe, certains ont déjà modifié ou simplifié leur nom. Enfin, l’absence d’une gestion des documents adéquate de part et d’autre pose à elle seule d’énormes défis aux chercheurs.

Pour vous aider dans vos recherches, voici quelques ensembles documentaires à explorer dans la remarquable collection de Bibliothèque et Archives Canada (BAC). La collection du bataillon Mackenzie-Papineau (MG30-E-173) pourra sûrement vous intéresser. Elle contient des documents recueillis par l’association des vétérans du bataillon, The Friends of the Mackenzie-Papineau Battalion, et d’autres personnes qui ont rassemblé l’information. On y compte de nombreux documents concernant des Canadiens qui ont servi dans les brigades internationales, de la correspondance avec des vétérans, des articles, des documents d’information, des souvenirs, des listes de noms et des photographies. On y trouve certaines photographies individuelles de volontaires, comme le Canadien Elias Aviezer, membre du bataillon Abraham Lincoln de 1936 à 1938 pendant la guerre civile espagnole, tué à Jarama. Certaines de ces photos ont été numérisées et peuvent être consultées au moyen de l’outil Recherche dans la collection.

Photographie noir et blanc d’un homme en complet-cravate fixant l’appareil photo.

Le Canadien Elias Aviezer, membre du bataillon Abraham Lincoln de 1936 à 1938 pendant la guerre civile espagnole, tué à Jarama. (a066954-v8)

BAC possède également le fonds du bataillon Mackenzie-Papineau (MG10-K2). Il est constitué de copies d’une sélection de documents sur microfilm des brigades internationales provenant de l’Internationale communiste, ou Komintern, un organisme fondé en 1919 sous l’égide des Soviétiques pour coordonner le renversement du capitalisme par la révolution dans le monde entier. Lorsque les forces républicaines sont défaites, les responsables soviétiques (les commissaires) quittent l’Espagne en 1939, emportant avec eux leurs documents, dont ceux du bataillon Mackenzie-Papineau. Ces documents comprennent divers dossiers administratifs, des données statistiques, des ordres quotidiens, des listes (nominatives, soldats blessés, tués, ayant déserté, rapatriés), de la correspondance et des biographies. Les originaux et d’autres documents sont conservés à Moscou au Centre russe de conservation et d’étude des documents en histoire contemporaine. Aucun document ne peut être reproduit sans l’autorisation préalable du Centre.

D’autres documents faisant mention des volontaires canadiens se retrouvent dans plusieurs fonds d’archives conservés à BAC. Dans les fonds du ministère des Affaires étrangères (RG25) et de la direction générale de l’Immigration (RG76), on trouvera des documents concernant le rapatriement des volontaires à partir de février 1939, et plus tard des prisonniers de guerre canadiens. Plus de 700 volontaires sont revenus au Canada, de nombreux autres sont restés en Europe, plus de 200 ont été tués au combat, et quelques-uns sont portés disparus.

Certains des volontaires avaient déjà servi pendant la Première Guerre mondiale ou participeront à la Deuxième Guerre mondiale. En ce qui concerne Elias Aviezer, tué au combat en 1937, on le retrouve dans la base de données des dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale sous le nom d’Elias Achiezer, car il avait déjà servi dans le Corps expéditionnaire canadien.

BAC possède diverses sources publiées permettant de retrouver des volontaires, dont The Daily Clarion, le journal du Parti communiste du Canada. On peut y lire des reportages de Jean Watts, correspondante à l’étranger, une des rares femmes dans le domaine. Des journaux de partout au Canada ont publié des articles sur les volontaires, et certains journaux locaux ont décrit leur départ et leur retour dans leur collectivité respective.

Dans le numéro du 5 septembre 1938 de la Gazette de Montréal, à la page 9, l’article ci-dessous annonce le retour à Edmonton de James Wilson et rapporte ses commentaires prémonitoires.

Une colonne de texte d’un journal ayant pour titre « Edmonton Man Returns ».

« Edmonton Man Returns », Gazette de Montréal, 5 septembre 1938, p. 9. (no OCLC 1035398537).

Pour plus d’information, veuillez consulter le catalogue Aurora. Vous y trouverez des livres contenant des listes de volontaires et permettant de contextualiser les événements, y compris :

  • William C. Beaching, Canadian Volunteers: Spain 1936-1939 (noOCLC 19517663)
  • Victor Howard, The Mackenzie-Papineau Battalion: Canadian Participation in the Spanish Civil War (noOCLC 79017)
  • Myron Momryk, « Ukrainian Volunteers from Canada in the International Brigades, Spain, 1936-39: A Profile », Journal of Ukrainian Studies, vol. 16, nos1-2, été-hiver 1991 (no OCLC 6744531)
  • Michael Petrou, Renégats : les Canadiens engagés dans la guerre civile espagnole (noOCLC 1007098925), traduction française de Renegades: Canadians in the Spanish Civil War (no OCLC 185078047)

Les sites suivants contiennent des index en ligne de volontaires canadiens ainsi que d’autres renseignements :

Si vous avez besoin d’aide pour ce sujet, ou pour toute autre question d’ordre généalogique, n’hésitez pas à contacter l’équipe de généalogie en remplissant le formulaire en ligne Posez-nous une question en généalogie.


Nicole Watier est conseillère en généalogie à la Direction générale des services au public, à Bibliothèque et Archives Canada.