Biscuits aux patates de 1917 : Comment la ménagère peut aider à préserver les stocks de blé du pays

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Bannière Cuisinez avec Bibliothèque et Archives CanadaPar Ariane Gauthier

Le Canada entre dans la Première Guerre mondiale le 4 août 1914, aux côtés de la Grande-Bretagne et de son empire. La guerre de mouvement qui oppose la Triple Alliance à la Triple Entente se transforme rapidement en guerre de tranchées. À partir de 1915, une véritable guerre d’usure se déroule sur le continent européen et dans le bassin méditerranéen.

En Europe, la dévastation des campagnes et l’arrivée d’une foule immense de soldats venus du monde entier compliquent l’approvisionnement en nourriture. La Grande-Bretagne mobilise rapidement les ressources de son empire afin d’appuyer son effort de guerre. Au Canada, les produits agricoles et industriels sont envoyés aux troupes outre-mer. Mais ces efforts ne suffisent pas et, bien vite, tous les ordres de gouvernement cherchent à accroître leur aide, allant jusqu’à rationner des ressources essentielles.

Au début de la troisième année du conflit, les provisions de blé s’épuisent. Prévoyant un rationnement, le ministère ontarien de l’Agriculture publie en août 1917 le livret War Breads: How the Housekeeper May Help to Save the Country’s Wheat Supply. On y affirme notamment que chaque livre de farine économisée donne plus de pain à l’armée. On admet cependant que les substituts de farine de blé proposés ne donnent pas toujours du pain ou des biscuits savoureux. Si ces pains de qualité inférieure ne sont pas au goût de tous, ils ont au moins l’avantage d’être plus sains que le pain blanc.

Page couverture d’un livret avec des photos de plusieurs sortes de pains.

Page couverture du livret War Breads: How the Housekeeper May Help to Save the Country’s Wheat Supply (OCLC 1007482104).

Intriguée par ce livret plutôt particulier, j’ai choisi une recette qui me donnerait une idée des efforts consentis par les ménagères au nom du patriotisme : des biscuits faits avec des patates. J’étais optimiste puisque j’avais déjà mangé et bien aimé des pains et des beignes aux pommes de terre.

La liste d’ingrédients et les instructions pour préparer la recette.

Recette de biscuits aux patates tirée du livret War Breads: How the Housekeeper May Help to Save the Country’s Wheat Supply (OCLC 1007482104).

Je n’ai rien remarqué d’anormal en survolant la liste d’ingrédients. Quand j’ai commencé la préparation, toutefois, la quantité dérisoire de sucre (½ cuillère à soupe) et de beurre (1 cuillère à soupe) m’ont portée à croire que les biscuits seraient fades ou auraient un goût de levure très prononcé. Ce n’était pas étonnant toutefois, car pendant la guerre le rationnement ne touchait pas seulement la farine de blé.

De la levure, trois pommes de terre, du beurre, un œuf, du lait, du sucre et de la farine.

Les ingrédients de la recette de biscuits aux patates. Photo : Ariane Gauthier

J’ai commencé par rassembler les ingrédients. Bizarrement, la recette recommande de cuire et non de faire bouillir les pommes de terre. C’est peut-être pour contrôler le niveau d’humidité? Quoi qu’il en soit, je les ai mises au four de 45 à 60 minutes à 400 °F, jusqu’à ce qu’une fourchette s’insère facilement.

Photo du dessus : trois pommes de terre sur une plaque couverte de papier parchemin, dans un four. Photo du dessous : des pommes de terre pilées grossièrement, dans un bol.

Les pommes de terre cuites au four, puis pelées et pilées. Photos : Ariane Gauthier

L’étape suivante était la préparation du mélange à levure. Comme je n’ai pas trouvé de levure fraîche (yeast cake, dans la recette originale en anglais), je me suis tournée vers la levure sèche. J’ai mélangé le lait tiède, la levure et un peu de farine, puis j’ai réservé le mélange pour qu’il lève.

Le mélange dans un bol de cuisson.

Le mélange de levure, de farine et de lait. On remarque la mousse et les bulles formées par la levure qui s’active. Photo : Ariane Gauthier

J’ai pilé les patates et ajouté le sel, le sucre, le beurre et du lait bouillant, jusqu’à ce que le mélange soit lisse. J’ai ensuite ajouté le mélange à levure, l’œuf et le reste de la farine. Le four avait alors suffisamment refroidi pour que je puisse y laisser la pâte reposer et lever.

Les étapes du mélange des ingrédients pour former la pâte.

Préparation de la pâte à biscuits aux patates. J’ai vigoureusement mélangé les ingrédients à chaque étape pour que le tout soit homogène. Photos : Ariane Gauthier

Je ne m’attendais pas du tout à ce que la pâte soit si collante en raison de la proportion des ingrédients secs par rapport aux ingrédients humides. Ayant bien lu l’avertissement dans la recette, j’ai évité de manipuler la pâte. J’ai donc utilisé des cuillères pour verser le mélange dans un moule à muffins beurré.

Les quatre étapes pour le mélange et le transfert de la pâte, dont le prélèvement d’une partie de la pâte levée dans une cuillère, et le versement de la pâte dans un moule à muffins.

La pâte, avant et après avoir levé pendant quelques heures dans un endroit chaud. Comme la recette l’indique, la pâte était bien trop collante pour être façonnée avec les mains. Photos : Ariane Gauthier

Comme c’est souvent le cas avec les vieilles recettes, la température de cuisson n’est pas précisée. J’ai mis le four à 400 °F et surveillé la cuisson attentivement pendant 15 à 20 minutes, jusqu’à ce que la pâte soit dorée.

Quatre biscuits aux patates dans une assiette. Le premier est garni de confiture de fraises, un autre est farci de baies, et les deux autres sont nature.

Les biscuits aux patates, cuits. Celui de gauche est garni de confiture. J’ai ajouté des baies dans un autre avant la cuisson. Photo : Ariane Gauthier

Et voilà le résultat! Qu’en pensez-vous?

La forte odeur de levure m’a frappée dès que j’ai sorti les biscuits du four. Quant à la saveur, elle est extraordinairement fade. Heureusement, la confiture de fraises traditionnelle que j’avais chez moi a sauvé la mise (un grand merci à mes parents!), car ces biscuits ne semblent pas conçus pour être dégustés nature.

Comme d’habitude, j’ai offert des biscuits à mes collègues pour avoir leur avis. C’est la première fois qu’une de mes recettes polarise autant l’opinion! Personne n’est resté indifférent : on aime ces biscuits ou on les déteste.

Si vous avez le goût de l’aventure, ou si vous voulez juste goûter une tranche d’histoire, je vous recommande d’essayer ces biscuits aux patates. Mais n’oubliez pas la confiture!

Si vous essayez cette recette, n’hésitez pas à partager les photos de vos résultats avec nous en utilisant le mot-clic #CuisinezAvecBAC et en étiquetant nos médias sociaux : FacebookInstagramX (Twitter)YouTubeFlickr et LinkedIn.

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Ariane Gauthier est archiviste de référence à la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.

Des choux à la crème de 1898

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Bannière Cuisinez avec Bibliothèque et Archives CanadaPar Ariane Gauthier

The New Galt Cook Book (1898) est une édition révisée d’un livre populaire au Canada anglais, surtout aux environs de Galt, dans le Sud-Ouest de l’Ontario. Les éditeurs auraient soi-disant envoyé des exemplaires du livre en Chine, en Égypte, en Inde, en Afrique du Sud, en Australie et aux États-Unis. Comme bon nombre d’anciens livres de cuisine, ce recueil présentait des recettes, des suggestions visant à simplifier le travail ménager ainsi qu’une liste de remèdes pour les maladies courantes.

Vous pouvez consulter ce livre en ligne dans le catalogue des collections publiées de Bibliothèque et Archives Canada, Aurora : OCLC 1049883924.

En tant que cuisinière amatrice qui s’intéresse aux vieilles recettes et à l’histoire de la cuisine, j’ai décidé de mettre mes compétences à l’épreuve en essayant de préparer des choux à la crème. Pour voir la dernière recette d’antan que j’ai préparée, consultez mon billet de blogue Une tarte à la citrouille de 1840.

Il est intéressant de savoir que le format des recettes aussi vieilles que celle-ci diffère grandement de celui des recettes modernes. Un peu comme dans La cuisinière canadienne, un livre de cuisine de langue française publié en 1840, les recettes sont classées par type de plats. Au début de chaque section, on retrouve un texte qui explique les principes de base de chaque type de recettes. Les auteures Margaret Taylor et Frances McNaught ont décidé de classer leur recette de choux à la crème dans la section Biscuits.

Page du livre The New Galt Cook Book présentant la recette de choux à la crème suivie de deux autres recettes.

Page 354 du livre The New Galt Cook Book par Margaret Taylor et Frances McNaught, Toronto : G. J. McLeod, 1898 (OCLC 5030366).

Durant la cinquantaine d’années qui s’est écoulée entre la publication de La cuisinière canadienne et celle de The New Galt Cook Book, la cuisine canadienne a beaucoup évolué. On peut d’ailleurs le remarquer dans la liste d’ingrédients. La recette de choux à la crème nécessite de la farine, du beurre et des œufs pour créer la pâte, puis de la farine ou de la fécule de maïs, du lait, du sucre et d’autres œufs pour préparer la garniture. À la dernière ligne de la recette, on suggère d’ajouter du citron ou de la vanille pour aromatiser la crème.

J’aimerais attirer votre attention sur deux choses. La première concerne l’utilisation de sucre granulé, un ingrédient que ne pouvaient pas se permettre les classes inférieures, car les droits d’importations en gonflaient le prix. Dans mon article de blogue sur la tarte à la citrouille de 1840, je mentionne que La cuisinière canadienne proposait plusieurs édulcorants de remplacement, y compris du sirop et de la mélasse. Il s’agissait des principaux édulcorants que les cuisiniers canadiens utilisaient dans les années 1800, jusqu’à ce que la Tariff Act de 1885 entre en vigueur et élimine les droits d’importation sur le sucre de canne. Au cours des cinq années suivantes, le coût du sucre est progressivement devenu comparable à celui du sirop et de la mélasse. Après 1890, le sucre est devenu l’édulcorant le plus populaire, car il s’agissait de l’option la moins chère.

Le deuxième élément d’intérêt concerne l’utilisation du citron comme substance aromatisante. Dans mon article sur la recette de tarte à la citrouille, je mentionne que La cuisinière canadienne suggère d’utiliser du zeste d’orange dans la garniture à la citrouille. Il s’agit d’une suggestion un peu étrange, car à l’époque, les oranges n’étaient pas importées partout au Canada comme c’est le cas aujourd’hui. Or, La cuisinière canadienne a été publié à Montréal, qui était alors le principal port commercial du Canada, ce qui explique le choix de cet ingrédient, plus facile à trouver dans cette ville. À titre de comparaison, Toronto commençait alors tout juste à se développer. Durant les 50 ans qui ont suivi la publication de La cuisinière canadienne, Toronto est devenue une métropole, notamment grâce au développement ferroviaire reliant la ville aux villes nord-américaines importantes, comme Montréal et New York. L’ajout progressif d’autres lignes de chemin de fer à Toronto a entraîné une diversification des activités commerciales de la ville. Dans ce cas-ci, le citron comme substance aromatisante témoigne du développement global de Toronto et du Canada. On peut donc en conclure que l’amélioration des technologies de transport a permis aux Canadiens qui résidaient au centre du pays de trouver plus facilement du citron, car ce fruit pouvait maintenant parcourir de grandes distances pour atteindre des endroits où le climat n’en permettait pas la production locale.

En gardant à l’esprit ces faits intéressants, j’ai réuni les ingrédients nécessaires et me suis mise au travail.

Des œufs, de l’extrait de vanille, du lait, du sucre, de la margarine et du citron.

Ingrédients de la recette. Courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

J’ai commencé par la pâte à choux. Heureusement, contrairement à la recette de tarte à la citrouille, j’ai eu à formuler beaucoup moins de suppositions cette fois-ci, car le livre The New Galt Cook Book donne des mesures assez précises : « Une tasse et demie de farine, deux tiers de tasse de beurre, un demiard d’eau bouillante. Faire bouillir le beurre et l’eau ensemble, puis incorporer la farine pendant que le mélange continue de bouillir. Lorsque le mélange est refroidi, ajouter cinq œufs battus; déposer sur une plaque, puis faire cuire pendant 30 minutes dans un four à cuisson rapide. »

Six photos montrant les étapes à suivre pour préparer la pâte : casser des œufs dans un bol, remuer la farine dans un autre bol, ajouter la farine au mélange d’eau et de beurre bouillant dans une casserole, mélanger les ingrédients qui se trouvent dans la casserole, ajouter les œufs battus à la pâte refroidie dans la casserole, puis mélanger la pâte dans la casserole.

Préparation de la pâte à choux comme décrite dans The New Galt Cook Book. Courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

Je devais ensuite former les choux sur une plaque à pâtisserie tapissée à l’aide d’une poche à douille. Puisque je n’avais pas de poche à douille, j’ai utilisé un sac réutilisable dont j’ai coupé l’extrémité. Pour transférer plus facilement la pâte dans le sac réutilisable, j’ai utilisé ma cafetière comme récipient. Comme je n’étais pas certaine de ce que les auteures voulaient dire par « four à cuisson rapide », j’ai réglé mon four à convection à 400 °F et, comme pour la tarte à la citrouille, j’ai utilisé mon nez et mes yeux pour déterminer la fin de la cuisson.

Trois photos qui montrent les étapes de formation des choux : remplir un sac réutilisable de pâte, pousser la pâte dans un coin du sac de manière à former une poche hermétique, puis former les choux sur une plaque à pâtisserie à l’aide de la poche à douille.

Formation des choux à l’aide d’une poche à douille. Courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

Après la stressante étape de préparation de la pâte à choux, j’ai commencé à préparer la crème. Comme j’avais déjà fait de la crème pâtissière, j’étais beaucoup plus confiante pour cette étape. Encore une fois, The New Galt Cook Book est précis : « Garniture à la crème – Une cuillerée à soupe de farine ou de fécule de maïs, un demi-litre de lait, une tasse de sucre, deux œufs. Battre les œufs, la farine et le sucre, puis incorporer le mélange au lait pendant qu’il bout. Lorsque le mélange est presque refroidi, aromatiser avec du citron ou de la vanille. »

Trois photos montrant les étapes de préparation de la garniture à la crème : verser le sucre dans le bol contenant le mélange d’œufs et de farine, verser le mélange dans une casserole contenant du lait, remuer la garniture dans la casserole.

Préparation de la garniture à la crème comme décrite dans The New Galt Cook Book. Courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

Si je me fie à mon expérience précédente, il faut faire attention au moment de verser le mélange d’œufs, de farine et de sucre dans le lait. Il vaut mieux tempérer le mélange en y ajoutant une petite quantité de lait bouillant d’abord, tout en fouettant vigoureusement. Cela permet d’élever graduellement la température du mélange et d’éviter de créer un choc thermique. Une fois que le mélange est incorporé au lait bouillant, il est important de fouetter constamment le mélange jusqu’à ce qu’il épaississe; autrement, vous vous retrouverez avec des œufs brouillés sucrés!

Pour ce qui est de la saveur, j’ai choisi de diviser la crème afin d’essayer l’extrait de vanille et le zeste de citron.

Pour terminer, The New Galt Cook Book ne mentionne pas comment assembler les choux. Le fait de savoir à quoi ressemble un chou à la crème s’est avéré très utile ici. Comme la pâte doit être remplie de crème, j’ai versé la crème dans un sac réutilisable dont j’ai coupé l’extrémité. Avant de remplir les choux de crème, j’ai fait une incision en X au bas de chaque chou afin de faciliter l’insertion du sac.

Une photo montrant le remplissage d’un chou et une photo montrant le produit final : un chou à la crème.

Un chou rempli de crème. Courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

Qu’en pensez-vous?

Je suis assez satisfaite de mes choux à la crème. Ils sont beaucoup plus légers que les choux à la crème contemporains et peuvent contenir une grande quantité de crème. Je les ai apportés à un rassemblement des services de référence, et mes collègues les ont bien aimés. Encore une fois, cela prouve que ces vieilles recettes peuvent résister au passage du temps!

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Ariane Gauthier est archiviste de référence à la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.

Une tarte à la citrouille de 1840

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Bannière Cuisinez avec Bibliothèque et Archives CanadaPar Ariane Gauthier

La cuisinière canadienne, paru en 1840, est un des premiers livres de cuisine, peut-être même le tout premier, écrit et publié au Canada. Son auteur le destinait autant aux cuisiniers professionnels qu’au grand public. Ce livre marque le début de la cuisine canadienne-française proprement dite. Pour ce qui est du style et du contenu, il vise l’efficacité, cherchant à encourager « une sage économie domestique […] proportionnée aux moyens des familles Canadiennes [sic] ».

Ce livre est accessible en ligne par le biais du catalogue Aurora de Bibliothèque et Archives Canada (OCLC 1140071596). Vous n’avez qu’à cliquer sur le bouton « Accès en ligne » à droite de la page, dans la case « Options de retrait ».

La page titre de La cuisinière canadienne (OCLC 1140071596).

Pour accompagner l’ouvrage, j’ai trouvé très utile le compte rendu de Yannick Portebois sur La cuisinière canadienne (qui peut être lu gratuitement sur Érudit). Il aide à comprendre les mesures employées à l’époque et le langage technique qui n’est plus utilisé aujourd’hui. Il présente également le contexte historique dans lequel ce livre s’inscrit. C’était un moment clé pour la formation de l’identité culturelle québécoise, à cheval entre son passé français et la nouvelle réalité d’une population anglophone toujours grandissante. Yannick Portebois note la francisation de certains mots anglais ainsi que l’emploi de termes bourgeois qui marqueront entre autres le vocabulaire de la cuisine québécoise naissante.

Le défi

À titre de cuisinière amateure, j’ai décidé de relever le défi de cuisiner une recette d’antan proposée dans ce livre.

Ce qu’il faut d’abord comprendre, c’est que les recettes d’autrefois, surtout celles qui remontent au milieu du 19e siècle, ne sont pas rédigées comme dans les livres actuels. Il n’y a pas de listes complètes des ingrédients, les quantités sont approximatives et les recettes sont présentées sous forme de texte suivi. La cuisinière canadienne fournit des ingrédients de substitution, au besoin. Le but n’était pas de créer des recettes comme le désirent les lecteurs d’aujourd’hui, mais de communiquer les principes de base afin que les cuisiniers puissent se débrouiller seuls. D’une certaine manière, La cuisinière canadienne établit la destination, mais c’est à nous de choisir le chemin pour y arriver, c’est-à-dire les ingrédients, les quantités et la technique.

Trois pages du livre La cuisinière canadienne qui expliquent certains termes de cuisine.

Les pages de La cuisinière canadienne qui m’ont été les plus utiles dans la préparation de ma recette (OCLC 1140071596).

Mon premier défi était de composer la recette puisque La cuisinière canadienne ne fournit aucune recette complète de tarte à la citrouille. Le chapitre X contient une recette de pâte à tarte (ou pâte brisée) n’offrant que l’indication vague d’y ajouter de la confiture de notre choix pour cuisiner une tarte.

Pour ce faire, il fallait lire le chapitre XI sur les confitures. Originellement, j’espérais faire une bonne tarte au sucre, mais La cuisinière canadienne ne donne aucune recette de sucre à la crème ou de garniture à l’érable. Je me suis donc contentée d’une tarte à la citrouille, un bon remplacement à mes yeux.

Lait d’amandes, courge, oranges, beurre, farine, sirop d’érable, tasse à mesurer, moule à tarte et rouleau à pâte.

Ingrédients et matériel utilisés par l’auteure pour faire la tarte à la citrouille du livre La cuisinière canadienne. Crédit : Ariane Gauthier.

Une fois la recette composée, il fallait réunir les ingrédients. La pâte à tarte nécessitait de la farine, du beurre (fondu) et du lait (chaud). La cuisinière canadienne indique de mélanger le tout jusqu’à l’obtention d’une pâte. À défaut d’informations plus spécifiques, je me suis fiée à mes connaissances. Dans les recettes que j’ai suivies antérieurement, les pâtes à tarte étaient très sèches. Donc, à une tasse de beurre fondu et une tasse de lait chaud, j’ai ajouté de la farine jusqu’à l’obtention d’une pâte sèche.

J’avoue ne pas avoir mesuré la quantité. L’idée est que la pâte doit à peine tenir ensemble.

Ensuite, j’ai travaillé la pâte pour que le tout soit bien incorporé. Je l’ai laminée, c’est-à-dire que je l’ai aplatie avec un rouleau avant de la replier sur elle-même, et j’ai répété la manœuvre encore et encore jusqu’à ce que la pâte devienne lisse et uniforme. Après quoi, j’ai délicatement déposé la pâte dans un moule à tarte et découpé l’excès. D’habitude, il faut perforer la pâte pour s’assurer qu’elle ne gonfle pas et la cuire un peu pour éviter que la garniture ne la détrempe. C’est ce que j’ai fait avant de la mettre au four pendant cinq minutes à 350 °F.

Sirop d’érable, courges coupées en dés et pelures d’orange dans un chaudron sur le feu.

Assemblage des ingrédients pour la confiture à la citrouille. Il faut faire bouillir des cubes de citrouille dans du sirop avec de la pelure d’orange pendant trois heures. Crédit : Ariane Gauthier.

Entre-temps, j’ai suivi les indications de La cuisinière canadienne pour une confiture à la citrouille. En gros, je devais faire mariner de la citrouille dans une quantité égale de sirop (ou de mélasse) pendant trois heures. Je pouvais aussi ajouter de la pelure d’orange ou de citron pour enrichir le goût. Malheureusement, comme ce n’était pas la saison des citrouilles à tartes, je me suis contentée d’une courge. J’ai choisi du sirop d’érable, car c’était l’option abordable pour les cuisiniers de l’époque. Ce n’est qu’après 1885 et l’adoption de la Tariff Act que le sirop d’érable est devenu un produit de luxe, le prix du sucre de canne ayant soudainement chuté. Dans les années qui ont suivi, des lois et mesures protégeant l’industrie des produits d’érable et la pureté de la qualité ont également eu des répercussions sur le prix du sirop.

Grâce aux avancées technologiques survenues depuis la publication de La cuisinière canadienne, je n’ai eu qu’à attendre à peu près une heure et demie avant que la courge soit tendre. J’ai malaxé le tout pour obtenir une confiture plus uniforme, gardant la pelure d’orange pour le goût. C’était pour le meilleur ou pour le pire, selon les goûts, car ce choix a fait en sorte que la tarte goûtait plus l’orange qu’autre chose. Mise en garde pour les braves qui vont tenter de cuisiner leur propre tarte à la citrouille de 1840 : il vaut peut-être mieux enlever les pelures!

Trois photos démontrant l’assemblage de la tarte : le plat avec la pâte seulement, la garniture versée sur la pâte et le plat final avant la cuisson.

Assemblage de la tarte. Une fois que la pâte a été précuite pendant quelques minutes, on y ajoute la confiture à la citrouille et on remet le tout au four pour terminer la cuisson. Crédit : Ariane Gauthier.

Enfin, j’ai versé la confiture sur la pâte et j’ai mis la tarte au four, toujours à 350 °F. Pour savoir quand la pâte était cuite, je me suis fiée à mon nez et mes yeux. Voici le résultat final. Qu’en pensez-vous?

Photo de la tarte qui vient de sortir du four. Des feuilles, une plume, un livre et les mots BAC et LAC en pâte sont posés sur le dessus de la tarte.

La tarte une fois cuite. Après son passage aux Services de référence le lendemain, il n’en restait plus une miette. Crédit : Ariane Gauthier.

Mes collègues l’ont manifestement aimée, surtout mon superviseur qui en a pris trois pointes. Cette recette, bien que très différente de nos recettes contemporaines, semble toujours appréciée!

The New Galt Cook Book – 1898

Page couverture avec le titre The new Galt cook book et une illustration d’une femme avec un tablier tenant un plat contenant de la nourriture.

Page couverture du livre de cuisine The new Galt cook book (OCLC 1049883924).

Bien que j’aie traité d’une recette tirée de La cuisinière canadienne, son équivalent canadien anglais est également digne de mention. The new Galt cook book était un incontournable dans les cuisines canadiennes-anglaises. C’est une nouvelle édition d’un livre populaire, surtout aux environs de Galt, dans le sud-ouest de l’Ontario. Les éditeurs affirmaient que des exemplaires du livre ont été envoyés en Chine, en Égypte, en Inde, en Afrique du Sud, en Australie et aux États-Unis. Comme plusieurs anciens livres de cuisine, ce recueil présente des recettes, des suggestions visant à simplifier le travail ménager et une liste de remèdes pour les maladies courantes.

Si vous tentez votre chance avec la tarte à la citrouille de 1840 ou toute autre recette de La cuisinière canadienne, n’hésitez pas à partager vos résultats sur les comptes de médias sociaux de Bibliothèque et Archives Canada : Facebook, Instagram, X (Twitter), YouTube, Flickr ou LinkedIn, en utilisant le mot-clic #CuisinezAvecBAC et en étiquetant nos médias sociaux.

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Ariane Gauthier est archiviste de référence au sein de la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.