Francs-maçons et passe-partout

Par Forrest Pass

Avez-vous déjà étudié un sujet tellement captivant qu’il en vient à vous obséder? Pendant mes recherches pour l’exposition Inattendu! Trésors surprenants de Bibliothèque et Archives Canada, je me suis plongé dans deux documents de loges maçonniques situées dans l’est de l’Ontario. Je voulais retracer l’histoire d’un magnifique tableau rituel du début du 19e siècle, appelé tableau de loge. De fil en aiguille, cette recherche m’a mené bien loin.

J’étais intrigué par l’étiquette du détaillant, qui se trouvait sur la page de garde d’un livre des règlements de la loge no 28, à Kemptville. Celle-ci avait hérité du tableau d’une ancienne loge qui se réunissait dans les environs de Burritts Rapids. L’étiquette du papetier d’Ottawa Henry Horne contient des éléments typiques d’un marchand de papier : des registres, du papier, des pinceaux, une plume et un petit sceau. Ce sont cependant le compas et l’équerre, au bas de l’étiquette, qui ont attiré mon attention. La ressemblance avec l’emblème maçonnique n’est-elle qu’une coïncidence, ou un moyen discret pour Horne de montrer son appartenance à la franc-maçonnerie?

Gravure montrant un livre ouvert accoté sur des livres et entouré de matériel de papeterie. Du texte est écrit dans le livre : Henry Horne – En gros et au détail – Fabricant de papier – Ville d’Ottawa.

Étiquette du fabricant de papier Henry Horne, tirée du livre des règlements de la loge no 28 à Kemptville – maçonnerie ancienne, libre et acceptée, 1848 (e011782492).

J’ai fouillé la base de données Newspapers.com, qui a numérisé plusieurs journaux d’Ottawa, dans l’espoir de trouver la notice nécrologique de Henry Horne. Celle-ci aurait peut-être confirmé son appartenance à la franc-maçonnerie. Les recherches n’ayant pas été fructueuses, j’ai mis l’étiquette de côté et lancé d’autres projets.

Plusieurs mois plus tard, je suis de nouveau tombé sur l’étiquette « possiblement maçonnique ». Elle se trouvait cette fois sur la page de garde d’un livre de copies de lettres ayant appartenu à Sandford Fleming de 1874 à 1876, lorsqu’il était ingénieur en chef du chemin de fer Intercolonial. L’étiquette est la même, à l’exception du nom de l’entreprise dans le livre : J. Hope & Co. à la place de Henry Horne.

Gravure montrant un livre ouvert accoté sur des livres et entouré de matériel de papeterie. Du texte est écrit dans le livre : J. Hope & Co., fabricant de papier, relieur et importateur, Ottawa.

Étiquette du fabricant de papier et relieur J. Hope & Co., tirée du livre de copies de lettres de Sandford Fleming, janvier 1874-avril 1876 (e011782493).

Le changement de nom s’explique facilement : en 1864, Henry Horne et James Hope s’associent dans la papeterie de Horne. Après la mort de celui-ci, en 1865, Hope prend les rênes de l’affaire. Il était facile de modifier l’étiquette puisque l’impression avait été effectuée à l’aide de l’ingénieux procédé de la gravure à encoche.

Ces gravures existent depuis les débuts de l’imprimerie à caractères mobiles. Les premiers exemples sont des passe-partout, des clichés d’imprimerie décoratifs comprenant un espace vide dans lequel le compositeur peut insérer n’importe quel caractère standard. Ils permettent aux imprimeurs économes d’insérer des initiales décoratives sans acheter des caractères différents pour chacune des lettres de l’alphabet.

Coupure de journal montrant comment l’imprimeur pouvait insérer la lettre décorative de son choix dans un cercle vide.

Initiales passe-partout sur la première page de La Gazette de Québec du 5 mai 1791. L’imprimeur pouvait insérer n’importe quelle lettre (ici, un Q et un P) dans le passe-partout afin de créer une initiale décorative (e011782495).

À partir des années 1800, des gravures à encoche plus élaborées s’ajoutent aux caractères d’imprimerie. Alors qu’un passe-partout ne contient de la place que pour une lettre, les gravures du 19e siècle peuvent accueillir un mot entier, une adresse ou un message. Une toute nouvelle technique, la galvanotypie, consiste à placer une fine couche de cuivre, traversée par un courant électrique, dans un moule employé pour la fonte de caractères. Grâce à cette méthode, un seul cliché en bois permet de produire des milliers de gravures à encoche identiques et durables. Ainsi, les imprimeurs du monde entier peuvent utiliser les mêmes gravures. Ces clichés d’imprimerie sont en quelque sorte les ancêtres des générateurs de mèmes du 21e siècle : une image dont le texte peut être modifié selon les besoins des imprimeurs et de leurs clients.

Dix images d’un catalogue contenant suffisamment d’espace blanc pour insérer un message.

Exemples de gravures à encoche dans un catalogue montréalais de 1865 destiné aux fondeurs de caractères imprimés. Les imprimeurs pouvaient insérer des caractères dans les encoches afin de créer des étiquettes, des cartes professionnelles, des publicités ou des annonces personnalisées pour leurs clients (e011782494).

Comme les étiquettes de Henry Horne et de Hope and Co. ont probablement été imprimées à partir de la même gravure à encoche, j’ai tenté d’en trouver la source. Une recherche de l’étiquette sur Google Lens donne une version vierge de la gravure provenant d’une banque d’images. Selon cette source, l’image proviendrait du catalogue de 1882 d’un fabricant de presses à imprimer new-yorkais. Malheureusement, la gravure ne se trouve dans aucune des versions numérisées du catalogue. J’étais de nouveau dans une impasse.

Puis, la chance a tourné. Une publicité parue dans l’Ottawa Citizen à l’époque du partenariat entre Henry Horne et James Hope (1864-1865) comportait la même gravure, cette fois avec la signature « Whitney & Jocelyn, N.Y. »

Publicité comprenant la gravure à encoche avec un livre ouvert.

Publicité du fabricant de papier Horne & Hope parue à la page 3 de l’Ottawa Citizen du 12 août 1865.

Les graveurs et galvanoplastes Elias J. Whitney et Albert Higley Jocelyn n’ont été associés que de 1853 à 1855 environ. Ils ont ensuite poursuivi leur chemin séparément et créé de nombreux produits, comme des plaques d’impression pour les illustrations dans les livres et les périodiques, des timbres-poste, des certificats d’obligation, des feuilles de protection pour montres à gousset (comprenant des numéros et des inscriptions) et des étiquettes de papetiers. Whitney dirige la Brooklyn Academy of Design, tandis que Jocelyn fait breveter une nouvelle technique de production d’ardoise factice pour tableaux noirs – un marché lucratif à une époque où les écoles poussent comme des champignons en Amérique du Nord en raison de l’arrivée massive d’Européens et des lois sur l’instruction obligatoire.

Aucune information ne laisse croire que ces graveurs étaient francs-maçons. Par contre, un graveur n’ayant pas peur des imitations a peut-être considéré le compas et l’équerre comme une allusion à la franc-maçonnerie.

Publicité d’un éditeur utilisant la gravure à encoche avec le livre ouvert, mais sans le compas et l’équerre, qui pouvaient être perçus comme une allusion à la franc-maçonnerie.

Publicité produite par le graveur D. T. Smith pour le compte d’un éditeur et libraire de Boston. La gravure avec encoche est semblable à celle qui se trouve sur les étiquettes précédentes. Source : Annual of Scientific Discovery: or, Yearbook of Facts in Science and Art for 1861 (Boston : Gould and Lincoln, 1861), consulté sur Internet Archive.

Les graveurs copiaient et adaptaient fréquemment les produits de leurs concurrents. Une autre gravure extrêmement semblable apparaît dans une publicité d’une librairie de Boston datant de 1861. Certains détails, comme l’emplacement du petit pot portant l’inscription « Wafers », laissent croire que le graveur, D. T. Smith, s’est inspiré de l’œuvre de Whitney & Jocelyn. Par contre, Smith a retiré plusieurs éléments, dont le compas et l’équerre. Voulait-il simplifier le dessin ou éliminer une référence possible à la maçonnerie?

Malgré tout ce que j’ai pu trouver sur les passe-partout et les gravures, le mystère reste entier. Une petite lacune dans nos connaissances qui sera peut-être comblée un jour… comme une encoche!

Autres ressources


Forrest Pass est conservateur dans l’équipe des Expositions de Bibliothèque et Archives Canada.

Données ouvertes : Études sur les drogues et médicaments sur ordonnance de Santé et Bien-être social Canada

Dans les années 1970, Santé et Bien-être social Canada a commandé plusieurs études sur l’utilisation de médicaments sur ordonnance et sur la consommation d’alcool et de cannabis, ainsi que sur les décès liés à la drogue. On a récemment adapté des données statistiques brutes provenant de quatre groupes d’enquêtes en fonction d’un schéma d’encodage des caractères de la norme ASCII. Pour ouvrir, interpréter et analyser les données, il faut un logiciel spécialisé, comme un tableur ou un outil statistique. Une liste de codage décrivant la composition des données et définissant les variables contenues dans chaque champ est fournie. Si une des enquêtes énumérées ci-dessous vous intéresse, elles sont dorénavant accessibles par l’entremise du portail des données ouvertes.

Consommation de médicaments sur ordonnance au Canada, 1977

En 1977, Santé et Bien-être Canada a commandé deux études ayant trait à l’utilisation de médicaments sur ordonnance au Canada. Voici quelques-unes des grandes conclusions que l’on a tirées des enquêtes :

  • On a constaté que les analgésiques et les antibiotiques sont les médicaments les plus souvent utilisés par la population en général.
  • Les répondants âgés utilisaient des antihypertenseurs et des médicaments destinés au traitement des maladies cardiaques.
  • Les femmes étaient surreprésentées parmi les utilisateurs de sédatifs et de tranquillisants.

Enquêtes nationales sur la consommation d’alcool au Canada

La campagne « Dialogue sur l’alcool » avait pour but de sensibiliser la population aux comportements associés à la consommation d’alcool et d’encourager la population à participer aux programmes consacrés aux problèmes liés à l’alcool. La campagne se déployait par phases et reposait sur divers médias publicitaires comme les journaux, les magazines, les émissions radiophoniques et télévisées. Après la diffusion de ces publicités, on a amorcé une série d’enquêtes afin de déterminer si le public était au fait de la campagne « Dialogue sur l’alcool » comme telle et dans le but de connaître les habitudes des Canadiens lorsqu’il s’agit de boire de l’alcool. En 1976, une autre enquête visait à recueillir des données sur les habitudes de fumer des Canadiens.

Consommation de cannabis chez les Canadiens adultes

En 1978, Santé et Bien-être Canada a commandé une enquête visant les adultes âgés de 18 ans et plus. On a alors interrogé les répondants sur leur consommation de marihuana et de hachisch et sur la fréquence d’une telle consommation. L’enquête a été entreprise afin de déterminer les tendances liées à la consommation de cannabis, de repérer les populations à risque, d’évaluer les corrélats sociaux de la consommation de cannabis et de formuler une politique.

Décès liés à la drogue dans la communauté urbaine de Toronto

Les données ont été colligées en 1973 à partir des dossiers de 18 coroners œuvrant à temps plein ou à temps partiel dans la région de Toronto. Les données ont été tirées de dossiers faisant état de décès liés à l’alcool ou à la drogue et elles comprennent le code de la catégorie générale, la drogue concernée, la forme d’alcool, le nom des solvants et poisons visés.