Par Ariane Gauthier
Alberta Sugar Makes Delicious Things to Eat (titre qu’on pourrait traduire par « Les délicieuses choses à manger qu’on peut faire avec du sucre de l’Alberta ») est un livret publié par l’entreprise Canadian Sugar Factories dans les années 1930 afin de promouvoir son sucre de betterave « pur » de l’Alberta. Ce sucre est raffiné à partir du produit de milliers d’exploitations betteravières de la province, et le livret comprend un texte de deux pages sur les particularités de cette culture agricole. L’accent est mis sur les techniques de pointe de l’époque en agriculture à grande échelle, sans doute pour faire l’éloge de la culture de la betterave à sucre, nouvelle et en concurrence féroce avec le sucre de canne, très prisé et largement préféré.

La couverture du livret Alberta Sugar Makes Delicious Things to Eat. (OCLC 1007785982)
Ce livret est disponible dans Aurora, le catalogue des collections publiées de Bibliothèque et Archives Canada : OCLC 1007785982.
S’il est vrai que l’histoire du sucre en Alberta est passionnante, ce qui m’a attirée dans cet ouvrage, c’est le contexte historique de sa publication : la Grande Dépression. Le livret mentionne que l’entreprise Canadian Sugar Factories a commencé ses activités en 1925, ce qui signifie qu’environ cinq ans seulement ont passé avant que l’effondrement économique ne fasse dérailler à la fois la production et la rentabilité. C’est peut-être la raison pour laquelle les auteurs, à la fin du texte explicatif, tentent avec l’énergie du désespoir de dissiper les idées fausses entourant le sucre de betterave :

Un détail de deuxième page de la section The Story of Alberta Sugar, montrant la sous-section « Beet sugar is the same as cane sugar » (le sucre de betterave est identique au sucre de canne), tirée du livret Alberta Sugar Makes Delicious Things to Eat. C’est sur cette note que se termine l’historique de l’entreprise. Remarquez que les points 1, 3, 4 et 7 soutiennent essentiellement la même chose : il est impossible de distinguer le sucre de betterave des autres types de sucre. (OCLC 1007785982)
Comme bien des livres de cuisine publiés pendant la Grande Dépression, les recettes mettent l’accent à la fois sur le caractère abordable et la préservation : la nourriture devait être bon marché et elle devait se garder longtemps. Cependant, comme ce livret fait la promotion du sucre de l’Alberta, la plupart des recettes sont des sucreries et des pâtisseries, qui ne possèdent aucune de ces deux qualités.
Néanmoins, j’ai choisi ce livret pour son esthétique et parce que la recette du roulé au chocolat enneigé avait l’air si délicieuse!

La recette du roulé au chocolat enneigé du livret Alberta Sugar Makes Delicious Things to Eat. Fait remarquable, on donne même la température du four et la durée de cuisson! (OCLC 1007785982)
En feuilletant les pages du livret, j’ai remarqué qu’il y avait une section réservée aux glaçages et aux garnitures. Dans l’esprit de la cuisine d’antan, j’ai choisi une recette de chaque type pour agrémenter mon gâteau : la garniture à la crème montagnarde pour fourrer le gâteau – et produire le tourbillon « enneigé » –, et le glaçage au fudge pour le recouvrir.

Page de recettes de glaçages et de garnitures du livret Alberta Sugar Makes Delicious Things to Eat. (OCLC 1007785982)
Dans les deux cas, j’ai été agréablement surprise par la quantité de détails fournis pour me guider dans les recettes que j’avais l’intention d’entreprendre. On me donnait non seulement la température du four, mais aussi le temps de cuisson! La seule chose qui manquait était une indication en degrés Fahrenheit ou Celsius du stade de la « boule molle », mais mon thermomètre à bonbons bien pratique m’a permis de combler cette lacune (la réponse est environ 240 °F ou 115 °C). J’étais donc prête à me lancer dans l’aventure!
J’ai commencé par rassembler tous les ingrédients.

Tous les ingrédients nécessaires pour réaliser le roulé au chocolat enneigé (image de gauche), le glaçage au fudge (image du milieu) et la garniture à la crème montagnarde (image de droite). Crédit photo : Ariane Gauthier.
J’ai décidé de commencer par le roulé au chocolat, car il avait besoin de temps pour refroidir, ce qui me permettrait de préparer la garniture et le glaçage. La première étape a consisté à tamiser à trois reprises tous les ingrédients secs. Ensuite, j’ai séparé les jaunes des blancs d’œufs et j’ai monté les blancs en neige. C’est là que j’ai fait une petite incartade : au lieu d’incorporer le sucre aux blancs d’œufs après les avoir fouettés, je l’ai incorporé pendant que je les fouettais, car cela permet de leur donner plus de volume.

J’ai cassé soigneusement les quatre œufs en me servant des coquilles pour séparer les jaunes des blancs. Une fois cela accompli, j’ai fouetté les blancs d’œufs au batteur électrique avec le sucre jusqu’à ce qu’ils forment des pics mous. Crédit photo : Dylan Roy.
J’ai ensuite commis une petite erreur : j’ai mélangé les jaunes d’œufs et la vanille aux ingrédients secs plutôt qu’au mélange de blancs d’œufs montés en neige. Cela a fini par annuler le tamisage des ingrédients secs, mais voici comment j’ai remédié à cette situation : j’ai ajouté environ la moitié du mélange de blancs d’œufs et j’ai mélangé le tout vigoureusement jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de grumeaux. Cela a eu pour effet d’annuler le montage des blancs en neige, dont le but était d’obtenir une préparation aérée et légère pour le gâteau. Cependant, comme je n’ai utilisé qu’une partie du mélange de blancs d’œufs, j’ai pu incorporer délicatement ce qui restait et conserver une partie de la légèreté que j’avais obtenue en battant les blancs d’œufs.

Voici comment j’ai annulé l’effet du tamisage des ingrédients secs en y ajoutant prématurément certains des ingrédients humides. De gauche à droite, l’ordre dans lequel j’ai mélangé les ingrédients secs et humides. Les deux dernières images montrent comment j’ai réussi à récupérer le mélange : j’ai mis la moitié du mélange de blancs d’œufs dans les ingrédients secs et j’ai mélangé vigoureusement jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de grumeaux, puis j’ai incorporé délicatement ce qui restait. Crédit photo : Ariane Gauthier.
Une fois cette étape réalisée, on doit verser le mélange sur une plaque de cuisson avec rebords pour faire cuire le gâteau. Le gâteau peut sembler un peu mince au début, mais il faut se rappeler qu’il sera roulé. Je l’ai donc mis au four à 400 °F pendant 13 minutes. Il ne restait plus qu’à le garnir et à le décorer!
Chaque recette ancienne présente un nouveau défi, qui m’oblige à faire quelque chose que je n’avais encore jamais fait. Dans ce cas-ci, je n’avais jamais utilisé de thermomètre à bonbons, bien que j’en possède un depuis des années. C’est à la fois complexe et stressant, mais dans une telle situation, il vaut mieux faire confiance au processus et croire que l’entreprise Canadian Sugar Factories savait ce qu’elle faisait dans les années 1930!

Utilisation d’un thermomètre à bonbons pour réaliser la garniture à la crème montagnarde et le glaçage au fudge. Dans les deux cas, j’ai dû tenir le thermomètre, car l’extrémité ne devait pas toucher le fond du chaudron, sous peine de donner une fausse indication de la température. Dans les deux cas, la vapeur produite par les deux mélanges a nui à la lecture du thermomètre, ce qui a rendu encore plus difficile ce qui constituait déjà un défi. Crédit photo : Dylan Roy.
J’ai le regret de dire que je n’ai pas très bien réussi ma garniture à la crème montagnarde. Je ne sais pas si je l’ai retirée du feu trop tôt ou si j’ai simplement laissé trop d’eau s’évaporer, mais je me suis retrouvée avec une garniture sèche et friable qui ne s’étalait pas bien du tout. Malgré tout, la garniture avait plutôt bon goût.
En comparaison, je m’en suis sortie beaucoup mieux avec le glaçage au fudge, car j’avais déjà appris de mes erreurs. J’avoue cependant avoir été désagréablement prise de court par deux ingrédients non mentionnés dans la liste : le beurre et la vanille. Je conseille aux personnes qui tentent cette recette d’avoir les deux ingrédients, déjà mesurés, à portée de main.
Treize minutes plus tard, le gâteau à rouler était prêt. Là encore, je dois admettre que je me suis écartée des instructions. J’avais déjà réalisé des bûches de Noël, et les instructions étaient très claires : enrouler immédiatement le gâteau plat dans un linge à vaisselle propre saupoudré de sucre en poudre et laisser refroidir. Ne pas ajouter la garniture immédiatement, car la chaleur du gâteau la fera fondre. On n’obtiendra alors qu’une masse gluante! J’ai donc misé sur mon expérience et j’ai attendu que le gâteau refroidisse avant d’y étaler la garniture.

Le gâteau est roulé et la garniture et le glaçage y sont ajoutés. Il est plus facile qu’on ne le pense de rouler le gâteau; la difficulté consiste à savoir combien de temps il faut le laisser refroidir. Je l’ai laissé un peu trop sécher, mais la beauté du glaçage, c’est qu’il masque les fissures! Crédit photo : Dylan Roy.
L’astuce pour réussir ce genre de gâteau consiste à le laisser refroidir suffisamment pour ne pas faire fondre le glaçage, mais pas trop non plus pour éviter qu’il se dessèche. Malheureusement pour moi, j’ai attendu un peu trop longtemps et le gâteau s’est quelque peu fissuré lorsque je l’ai déroulé. J’ai étalé un peu de garniture pour colmater les fissures et j’ai heureusement pu recouvrir le reste de glaçage au fudge. Comme on le dit si bien : ni vu ni connu!

Coupe transversale du roulé au chocolat enneigé. Comme vous pouvez le constater, je n’avais pas assez de garniture à la crème montagnarde pour remplir complètement l’intérieur. Crédit photo : Ariane Gauthier.
Alors, qu’en pensez-vous?
Je peux vous dire que le gâteau avec sa garniture et son glaçage était délicieux! Je l’ai apporté au bureau et mes collègues ont été agréablement surpris. Tout le monde était plus ou moins d’accord pour dire que la meilleure partie était le glaçage au fudge – il aurait presque pu constituer un dessert à lui tout seul!
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Traduction du texte des recettes :
Gâteau roulé au chocolat enneigé
- 6 cuillères à soupe de farine à gâteaux
- 6 cuillères à soupe de cacao en poudre
- 1/2 cuillère à thé de poudre à pâte
- 1 cuillère à thé de vanille
- 1/4 cuillère à thé de sel
- 3/4 tasse de sucre de l’Alberta tamisé
- 4 blancs d’œufs, battus jusqu’à consistance ferme
- 4 jaunes d’œufs, bien battus
Tamiser la farine une première fois, mesurer, ajouter le cacao, la poudre à pâte et le sel, puis tamiser le tout trois fois. Incorporer le sucre aux blancs d’œufs, une petite quantité à la fois, en pliant. Ajouter les jaunes d’œufs et la vanille. Incorporer la farine graduellement. Verser le mélange sur une plaque de cuisson de 13,5 po sur 8,5 po, tapissée de papier graissé, puis cuire au four préchauffé à 400 °F pendant 13 minutes. Retourner d’un coup sur un linge soupoudré de sucre en poudre. Retirer le papier. Couper et retirer rapidement le contour sec du gâteau. Étendre la garniture sept-minutes sur le gâteau, puis rouler. Envelopper dans le linge jusqu’à ce que le tout ait refroidi. Recouvrir de crème fouettée ou de glaçage au chocolat.
Garniture à la crème montagnarde
- 1 tasse de sucre de l’Alberta
- 1/3 tasse d’eau
- 1/8 cuillère à thé de crème de tartre
- 1 blanc d’œuf
- Arôme [au choix]
Faire bouillir les 3 premiers ingrédients jusqu’au stade de « boule molle ». Verser lentement sur le blanc d’œuf battu, ajouter l’arôme et battre jusqu’à consistance assez épaisse pour pouvoir étendre. Des noix, des dattes, etc. peuvent être ajoutés à une partie du mélange si on l’emploie comme garniture.
Glaçage au fudge
- 1 tasse de sucre de l’Alberta
- 1/8 cuillère à thé de crème de tartre
- 1/3 tasse de lait
- 2 onces de chocolat
Faire bouillir tous les ingrédients mélangés, jusqu’au stade de « boule molle ». Ajouter 2 cuillères à soupe de beurre et 1 cuillère à thé de vanille. Laisser refroidir. Battre jusqu’à consistance assez épaisse pour pouvoir étendre.
Pour d’autres recettes d’antan, consultez les liens suivants :
- Une tarte à la citrouille de 1840 par Ariane Gauthier
- Des choux à la crème de 1898 par Ariane Gauthier
- Un gâteau néerlandais aux pommes de 1943 par Ariane Gauthier
- Pain au fromage et aux noix de 1924 par Ariane Gauthier
- La tarte à la patate douce : une valeur sûre depuis 1909 par Dylan Roy
- Un gâteau au chocolat de 1961 par Rebecca Murray
- Biscuits aux patates de 1917 : Comment la ménagère peut aider à préserver les stocks de blé du pays par Ariane Gauthier
- Salade de légumes en gelée : moins, c’est mieux! par Rebecca Murray
Ariane Gauthier est archiviste de référence à la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.






