Salade à l’ananas et au fromage des années 1950

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Par Ariane Gauthier

Les années 1950 ont été une décennie déterminante pour le consumérisme dans le monde occidental, en particulier dans les Amériques. La croissance économique, les progrès technologiques et les médias de masse ont joué un rôle central dans la formation d’une culture axée sur la consommation qui s’est imposée dans l’après-guerre. Cette transformation a jeté les bases de la société de consommation moderne et de l’économie mondiale qui allaient continuer d’évoluer au cours des décennies suivantes.

Dans les années 1950, l’essor des conserves aux États-Unis a marqué un changement clé dans la culture alimentaire américaine et, par extension, canadienne. À mesure que de plus en plus de femmes entraient sur le marché du travail et que les horaires familiaux chargés devenaient la norme, les produits en conserve comme les légumes, les soupes et les viandes offraient une solution rapide et fiable pour la préparation des repas. Ce boum a été alimenté par les progrès des technologies de conservation des aliments, qui ont rendu les produits en conserve abordables et accessibles au ménage moyen. Avec l’avantage supplémentaire d’une longue durée de conservation, ces produits ont contribué à redéfinir la cuisine maison, pour la rendre plus simple et plus efficace, tout en répondant à l’appétit croissant des consommateurs pour des produits pratiques.

C’est dans ce contexte historique que la Kraft Foods Limited a publié le livret 40 famous menus from O.K. Economy & Shop-rite (Quarante menus populaires des magasins O.K. Economy et Shop-rite), une recette duquel fera l’objet de cet article de blogue.

La couverture de 40 famous menus from O.K. Economy & Shop-rite. On y voit des images de certains plats préparés suivant les recettes du livret.

40 famous menus from O.K. Economy & Shop-rite. (OCLC 1006679567)

On y trouve une multitude de recettes mettant en valeur les divers produits Krafts. Mais je m’intéressais surtout aux recettes à base d’aspic ou de gélatine. Ce qui me fascinait, entre autres, c’était que le but premier de plusieurs recettes avec de la gélatine n’était pas tant d’être appétissantes que de vouloir impressionner. À la base, les recettes avec gélatine cherchaient surtout à mettre en valeur la beauté des moules qu’on pouvait se procurer et l’art esthétique d’y figer des crudités. Dans les années 1950, les choses ont changé un peu, il y avait un désir de manger de l’aspic pour le plaisir de son goût, mais l’idée d’impressionner demeurait, comme on peut le voir avec la recette que j’ai choisie.

La recette comprend des images des étapes de cuisson à la droite et une suggestion de menu au haut de la page.

Recette de salade à l’ananas et au fromage. (OCLC 1006679567)

Les ingrédients témoignent d’une volonté sincère de vouloir créer un plat goûteux. En théorie, les saveurs devraient bien se mélanger. Le seul intrus, quelque peu suspect, est le fromage cheddar râpé. Cela dit, on remarque, dans l’avant-dernière phrase de la première étape, le désir d’impressionner que j’ai soulevé plus tôt : Add to lime jelly, then pour a small amount (enough to make a thin layer on the bottom) into a 6-cup star mold, or other fancy-shaped mold. qu’on peut traduire par « Ajouter à la gelée à la lime, ensuite verser une petite quantité (assez pour former une fine couche) dans un moule en forme d’étoile de 6 tasses, ou tout autre moule de forme de fantaisie. »

La précision au sujet du style du moule trahit, à un certain degré, l’intention de créer quelque chose d’impressionnant.

Sur ce, je me suis lancée dans la confection de cette recette en espérant avoir trouvé là quelque chose qui serait savoureux.

Les ingrédients sont les ananas broyés en conserve, le paquet de poudre de gelée à la lime, la brique de fromage à la crème, et le bloc de fromage cheddar.

Les ingrédients pour la recette de salade à l’ananas et au fromage, avec le moule. (Photo par Ariane Gauthier)

Une fois les ingrédients réunis, la recette se fait assez rapidement. Pour commencer, il fallait dissoudre le jello à la lime dans une tasse d’eau chaude, ensuite le mélanger avec le jus d’ananas, puis verser une fine couche du liquide dans le moule. Une fois fait, il fallait laisser reposer le moule au réfrigérateur pour que la gelée fige un peu.

Il faut commencer par égoutter les ananas broyés pour en tirer le jus. Ensuite, mélanger le sachet de poudre de gelée dans une tasse d’eau chaude et y ajouter le jus réservé.

La première étape de la recette, soit la préparation du jello à la lime. (Photos par Ariane Gauthier)

Une fois la première étape accomplie, il faut verser une fine couche du jello liquide dans le moule et laisser figer au réfrigérateur.

Versage à la louche de la première couche de jello dans le moule. (Photo par Ariane Gauthier)

En attendant, j’ai passé à la prochaine étape. J’ai combiné le reste du mélange liquide de jello à la lime et jus d’ananas avec le fromage à la crème. J’ai malaxé le tout jusqu’à ce que ce soit bien lisse et j’ai ensuite mis le bol au réfrigérateur pour une trentaine de minutes.

Il faut combiner le restant du mélange liquide jello-jus avec le fromage à la crème. Une fois bien incorporé, le laisser dans son bol et l’envoyer au frigo pour qu’il épaississe.

La deuxième étape de la recette de salade à l’ananas et au fromage. (Photos par Ariane Gauthier)

Ceci a permis d’épaissir le liquide et de pouvoir intégrer les ananas broyés et le fromage cheddar râpé de manière homogène. Après, il était question d’ajouter ce mélange dans le moule puis qu’il repose au frigo quelques heures.

Une fois le mélange épaissi, il faut intégrer l’ananas et le cheddar râpé avant de tout déposer dans le moule.

La quatrième étape de la recette de salade à l’ananas et au fromage. (Photos par Ariane Gauthier)

Le lendemain, j’ai apporté le produit fini au travail et j’ai eu le plaisir de révéler le plat à mes collègues. Voici le résultat :

La salade à l’ananas et au fromage en trois temps.

Salade à l’ananas et au fromage. (Photos par Mélanie Gauthier)

Au moment de retourner le moule dans une assiette, la révélation s’est faite au son de « oh! » et de « ah! » inquiets, voire quelque peu dégoûtés. Je ne sais pas pourquoi, mais je m’attendais à ce que le produit fini soit plutôt jaunâtre et non vert. Sous le regard de mes collègues, j’ai pris la première bouchée et j’ai été en mesure d’en encourager un autre à essayer ladite « salade ». Son commentaire englobe bien mes propres impressions. Il a dit : « C’est la trinité maudite : température, texture et saveur écœurantes. »

À la fin, nous n’étions que cinq à avoir osé essayer le plat. Les autres se sont contentés de l’odeur intense du fromage à la crème et de l’expérience émétique de trancher la gélatine.

C’est la première recette que je ne vous recommande pas d’essayer. Cependant, je continue à croire malgré cet échec qu’il est possible de créer une recette de gélatine ou d’aspic savoureuse.

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Autres ressources


Recette – Salade à l’ananas et au fromage

1 paquet de gelée en poudre à saveur de lime
1 tasse d’eau chaude
1 tasse d’ananas broyés en conserve
1 paquet de 8 oz de fromage à la crème Philadelphia
1 paquet de 8 oz de fromage cheddar fort de marque Cracker Barrel
Chicorée frisée ou laitue

  1. Dissoudre la gelée en poudre à la lime dans l’eau chaude. Égoutter l’ananas; mesurer le jus et ajouter de l’eau froide pour obtenir 1 tasse. Ajouter à la gelée à la lime, puis verser une petite quantité (assez pour faire une fine couche au fond) dans un moule en étoile de 6 tasses, ou tout autre moule de forme de fantaisie. Laisser refroidir au réfrigérateur.
  2. Pendant ce temps, ramollir le fromage à la crème. Ajouter graduellement le reste du mélange de gelée au fromage à la crème, en mélangeant jusqu’à l’obtention d’une consistance lisse. Réfrigérer jusqu’à ce que le mélange épaississe légèrement.
  3. Râper le fromage cheddar de marque Cracker Barrel.
  4. Intégrer le fromage râpé et l’ananas broyé au mélange de fromage à la crème légèrement épaissi. Verser sur la couche de gelée ferme dans le moule. Laisser refroidir au réfrigérateur jusqu’à ce que la gelée soit ferme.
  5. Démouler sur un plat de service. Garnir avec de la chicorée frisée ou de la laitue.

Donne 6 portions.


Ariane Gauthier est archiviste de référence à la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.

Pain au fromage et aux noix de 1924

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Bannière Cuisinez avec Bibliothèque et Archives CanadaPar Ariane Gauthier

Le livret Mangeons du fromage canadien : Recettes et menus a été publié par le ministère de l’Agriculture en 1924. Il met en valeur les aspects sains, nutritifs et économiques du fromage, en particulier le fromage québécois. Bien sûr, les connaissances sur la valeur nutritionnelle de cet aliment ont beaucoup évolué depuis. À l’époque, le livret affirmait : « Il n’y a point de repas où le fromage n’aît [sic] sa place avec profit, et celui qui va à son travail fortifié par cet aliment nutritif accomplira avec le même entrain la même somme d’ouvrage que s’il avait pris un copieux repas à base de viande. »

J’ai trouvé cet ouvrage dans notre outil en ligne Recherche dans la collection plutôt que dans notre catalogue Aurora. J’espérais ainsi dénicher quelque chose d’un peu plus personnalisé; par exemple, une recette de famille glissée dans une lettre archivée! C’est alors que j’ai découvert un dossier du ministère de l’Agriculture portant sur l’exportation du fromage canadien. Surprise : il dissimulait le livret Mangeons du fromage : Recettes et menus, en français et en anglais.

Page couverture d’un livret avec l’inscription "Mangeons du fromage : Recettes et menus".

Page couverture du livret Mangeons du fromage : Recettes et menus, publié en 1924 (OCLC 937533172). Image courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

(Finalement, on peut aussi trouver ce livret dans Aurora, OCLC 937533172. C’est la voie d’accès la plus simple.)

Ce tout petit ouvrage était coincé au milieu d’une pile d’entretiens, de comptes rendus économiques et d’enveloppes de photos portant sur le fromage canadien entre 1920 et 1924. Il a tout de suite piqué ma curiosité.

Mais cela ne m’a pas empêchée de lire tout le dossier. Ainsi, j’ai appris qu’à l’époque, l’industrie des produits laitiers était assez instable au Canada. L’exportation en Grande-Bretagne demeurait bonne (surtout pour le fromage) grâce à une prime particulièrement généreuse, mais la consommation de fromage déclinait. Les Britanniques – nos plus grands acheteurs – ne favorisaient plus autant cet aliment, et les Canadiens non plus.

Au ministère de l’Agriculture et parmi les producteurs, l’inquiétude régnait : le Canada perdrait-il sa place à l’international? C’est dans ce contexte que Mangeons du fromage canadien a été conçu.

J’ai feuilleté le livret en quête d’une recette. Mon seul critère : trouver quelque chose d’inédit. J’ai donc jeté mon dévolu sur une recette de pain au fromage et aux noix.

Texte présentant les ingrédients et les étapes de la recette de pain au fromage et aux noix.

Photo de la recette du pain au fromage et aux noix (OCLC 937533172). Image courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

J’ai commencé par rassembler les ingrédients, prenant bien soin de choisir un fromage canadien. Mon choix s’est porté sur un cheddar local, fabriqué près d’Ottawa.

Ingrédients utilisés pour la recette de pain au fromage et aux noix : pâte de tomates, sauce piquante, fromage cheddar, chapelure, huile d’olive, citron, poivre, sel et noix. (L’oignon ne figure pas sur la photo.)

Les ingrédients de la recette. Image courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

La recette demandait une tasse de mie de pain. Ça m’a semblé bizarre; j’ai regardé le livret en anglais pour comparer. À ma grande surprise, Cheese Recipes for Every Day présentait des recettes complètement différentes. Aucune trace de recette de pain au fromage et aux noix! Pour ne pas gaspiller un bon pain, j’ai choisi d’y substituer de la chapelure.

Première constatation : l’absence d’instructions. On présente les ingrédients, puis on dit simplement de mettre le tout dans un moule bien graissé et de « rôtir au four doux ».

Ingrédients côte à côte dans un bol : du fromage cheddar, des noix, de la pâte de tomates, des oignons, de la sauce piquante et de la chapelure.

Les ingrédients dans un bol. La recette ne dit pas de les mélanger, mais on devine que c’était l’intention. Image courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

Bref, on semble faire appel au gros bon sens du lecteur. J’ai donc bien mélangé le tout. Le résultat était assez sec, sans doute en raison de la chapelure. J’ai rajouté un peu d’eau, mais ça n’a guère aidé. Je m’en suis toutefois tenue à cela, n’osant pas trop modifier la recette.

Trois plans rapprochés, côte à côte, montrant le mélange des ingrédients et le transfert dans un plat de cuisson.

Assemblage et mélange des ingrédients. Le résultat est plus ou moins homogène. Image courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

J’ai ensuite versé le mélange dans un moule bien graissé, dont j’avais recouvert le fond de papier parchemin pour faciliter le démoulage. Aucune température de cuisson n’étant précisée, j’ai décidé d’enfourner le tout à 400 oF tout en gardant un œil sur le pain. Au bout d’une quinzaine de minutes, il avait pris une belle coloration et dégageait une odeur de grillé; je l’ai retiré du four. Voici le résultat :

Pain au fromage et aux noix sur une planche de bois.

Le pain au fromage et aux noix de 1924, qui tient de justesse en un morceau. Image courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

Le pain tenait de justesse; il était visiblement très sec. Il n’a d’ailleurs pas survécu au trajet entre mon domicile et le 395, rue Wellington, se transformant en une espèce de pâté. Malgré tout, je crois que mes collègues ont apprécié son petit goût surprenant, que je comparerais à celui de boulettes à spaghetti sans viande.

Qu’en pensez-vous?

Si c’était à refaire, je sacrifierais un bon pain pour en retirer la mie : elle absorberait sûrement mieux le mélange que la chapelure. Je prendrais aussi un fromage local avec un taux d’humidité plus élevé.

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Autres ressources :


Ariane Gauthier est archiviste de référence à la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.