La Commission Abella : un pas de plus vers l’égalité sur le marché du travail

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Par Mathieu Rompré

L’année 2024 marque les 40 ans du dépôt du rapport final de la Commission d’enquête sur l’égalité en matière d’emploi, aussi appelée Commission Abella. Celle-ci doit son nom à la juge Rosalie Silberman Abella, qui l’a présidée. (Vous pouvez consulter le rapport en version électronique en trois parties.) Cette commission d’enquête fédérale avait été instaurée en 1983 par l’honorable Lloyd Axworthy, ministre de l’Emploi et de l’Immigration dans le gouvernement libéral de l’époque.

Photographie d’une jeune fille vue de face, en gros plan. Le texte en caractères gras au-dessus de la photo dit : « Les filles? Autant de chances que les garçons? Pourquoi pas? ».

Publicité pour l’Année internationale de la Femme, 1975, Bibliothèque et Archives Canada (e010753405).

Le contexte social au début des années 1980 et les perspectives de l’époque sur le marché du travail expliquent la création de la Commission Abella. En effet, on prévoyait déjà que les femmes et les personnes issues d’autres groupes cibles représenteraient la majorité de la main-d’œuvre arrivant sur le marché du travail au cours des années à venir. La Commission était mandatée pour enquêter et faire rapport sur les moyens les plus efficaces et équitables de promouvoir les chances d’emploi, d’éliminer la discrimination systémique et d’assurer à tous les mêmes possibilités de prétendre à un emploi. Elle devait d’abord examiner les méthodes d’emploi en usage dans les principales sociétés d’État fédérales (la Société Petro-Canada, Air Canada, les Chemins de fer nationaux du Canada, la Société canadienne d’hypothèques et de logement, la Société canadienne des postes, la Société Radio-Canada, Énergie atomique du Canada Limitée, la Société pour l’expansion des exportations, Téléglobe Canada, la Société de Havilland Aviation du Canada Limitée et la Banque fédérale de développement). Dans un second temps, elle enquêterait sur les moyens de remédier aux lacunes de certaines méthodes d’emploi, ce qui comprenait l’étude d’un programme obligatoire d’action positive.

Caricature du Vancouver Sun de 1981 montrant un homme, assis à son bureau, qui parle à une employée.

Caricature du Vancouver Sun, 24 novembre 1981, Bibliothèque et Archives Canada, fonds Leonard Matheson Morris (cr0016620). 
Traduction de la caricature : « Madame Justegenre, je voulais vous dire que je suis tout à fait d’accord avec les demandes d’un salaire égal pour un travail égal, à condition de tenir compte de la différence dans notre égalité. »

La Commission tient des audiences dans 17 villes canadiennes entre les mois d’août 1983 et de mars 1984, recevant au total 274 mémoires. Bien qu’elle soit peu connue du grand public de nos jours, la Commission Abella a eu un impact considérable sur la société canadienne. Le gouvernement fédéral a profité de l’établissement de la Commission pour étendre à l’ensemble de la fonction publique du Canada un programme d’action positive. Au cours des années suivantes, de nombreuses entreprises privées ont mis en place des programmes similaires, et aujourd’hui les programmes destinés à favoriser l’embauche des femmes ou de certains groupes minoritaires sont devenus chose courante.

Même s’il reste beaucoup de travail à faire en ce qui concerne l’égalité sur le marché de l’emploi, la Commission Abella aura contribué à améliorer de façon significative la situation des femmes et de plusieurs groupes minoritaires au Canada. C’est dans le cadre de la Commission qu’ont été créés le concept d’ « équité en matière d’emploi » et les théories sur l’égalité et la discrimination qui constituent les fondements du rapport final. Les recommandations du rapport ont d’ailleurs été appliquées non seulement au Canada, mais aussi en Nouvelle-Zélande, en Irlande du Nord et en Afrique du Sud. Compte tenu de cette influence, il n’est pas étonnant que la juge Abella ait été nommée à la Cour suprême du Canada en 2004.

Portrait de l’honorable juge Rosalie Silberman Abella, vue de face, en gros plan, vêtue de sa toge de juge de la Cour suprême du Canada.

Portrait officiel de l’honorable juge Rosalie Silberman Abella à la Cour suprême du Canada.
© Cour suprême du Canada. Crédit : Philippe Landreville.

Pour en savoir plus sur la Commission et ses critiques, vous pouvez consulter le fonds de la Commission d’enquête sur l’égalité en matière d’emploi (RG33-133, R1066-0-3-F, comprenant environ 5,5 mètres de documents textuels) conservé à Bibliothèque et Archives Canada, ainsi que les ouvrages ci-dessous.

Autres ressources

  • Rapport de la Commission sur l’égalité en matière d’emploi, Rosalie Silberman Abella (n° OCLC 16024519)
  • Research Studies of the Commission on Equality in Employment, Rosalie Silberman Abella (n° OCLC 503015915)
  • Focus on Employment Equity. A Critique of the Abella Royal Commission Report, Walter Block et Michael A. Walker (n° OCLC 300593021)

Mathieu Rompré est archiviste à la Division des archives gouvernementales de Bibliothèque et Archives Canada.