Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde — terminologie historique.
Par Masha Davidovic
La création de la Commission des revendications des Indiens, dans les années 1970, a l’effet d’un coup de tonnerre. Pourtant, elle est annoncée dans une simple note de bas de page du Livre blanc de 1969 rédigé par l’administration de Pierre Elliott Trudeau (intitulé La politique indienne du gouvernement du Canada). Ce document d’assimilation explosif décrit l’intention du gouvernement d’abolir le statut d’Indien, la Loi sur les Indiens et les réserves.
Sa publication soulève un tollé et mobilise la résistance d’un océan à l’autre. Soudainement, toutes les communautés des Premières nations au Canada, sans exception, font face à une menace concrète. Leur assimilation dans le système politique canadien est annoncée : il n’y aura plus de traitement spécial, ni de ministère des Indiens, ni de « problèmes de l’Indien ».
Les vagues soulevées par les organismes panautochtones se transforment en raz de marée qui balaye le Livre blanc sur son passage (la politique est retirée, non sans embarras, en 1970). Le mouvement ne s’arrête pas là, et les Inuits et les Métis unissent leurs voix à celles des Premières Nations.
Les événements de cette période ont encore des conséquences aujourd’hui. Par exemple, l’affaire Calder mène à la reconnaissance du titre foncier autochtone, et on assiste à la création d’organismes autochtones provinciaux et nationaux, dont les ancêtres de l’Assemblée des Premières Nations, de l’Inuit Tapiriit Kanatami et du Ralliement national des Métis. Ces années sont marquées par des mouvements de résistance, voire des conflits ouverts, découlant de l’opposition toujours croissante contre les politiques et les mesures gouvernementales.

Une note de service d’Andrew Rickard, président du Grand conseil du traité no 9 (de nos jours la Nation nishnawbe-aski), datée du 12 mars 1973. Bibliothèque et Archives Canada, page 3 (e011267219)
Ironiquement, la Commission des revendications des Indiens, une simple procédure inscrite dans une note de bas de page pour régler des détails et mettre fin aux revendications des Autochtones, est possiblement le legs le plus important de la politique de 1969. Des sources primaires récemment numérisées décrivent la période tumultueuse des années 1970 et l’étonnant succès de la Commission. Celle-ci s’adapte au contexte politique et assume un rôle de médiateur entre l’État et les communautés autochtones, préparant ainsi le terrain pour les processus de revendication modernes au Canada.
La collection
La Commission est essentiellement le travail d’un seul homme.

Notice biographique et photo de Lloyd I. Barber pour un discours prononcé lors d’une conférence. Bibliothèque et Archives Canada, page 77 (e011267331)
Le chercheur Lloyd I. Barber est né à Regina et vit à Saskatoon. Quand il prend ses fonctions de commissaire des revendications des Indiens, son mandat a déjà changé. Plutôt que de traiter et conclure des revendications, il étudie des histoires, évalue des griefs et établit des relations. Il écrit constamment à Ottawa ainsi qu’aux chefs autochtones les plus éminents.
Dans bon nombre de ses lettres, il montre qu’une partie importante de son travail consiste à limiter les dégâts. Sa relative indépendance face à Ottawa lui offre une marge de manœuvre pour faire entendre les demandes de justice et d’équité formulées par les communautés autochtones, un rôle qu’il assume sans hésiter.

Lettre du commissaire Lloyd I. Barber à Judd Buchanan, sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, portant sur les droits de chasse, de pêche et de trappe des Premières Nations des Prairies. Bibliothèque et Archives Canada, page 35 (e011267232)
Barber, un professeur de commerce expérimenté, adopte dans toutes ses lettres un ton patient, calme, rassurant et souvent contrit. Il incarne la sensibilité et la sympathie, prenant soin d’utiliser un langage simple qui se démarque de celui des bureaucrates et des fonctionnaires. Sa personnalité ressort de tous les documents du fonds; elle est intimement liée aux réussites de la Commission.

Coupure de journal du Native Press datée du 18 novembre 1974, portant sur un discours prononcé par Lloyd Barber à Yellowknife. Bibliothèque et Archives Canada, page 59 (e011267332)
La réussite de la Commission repose sur les dialogues établis par Barber. À cet égard, les documents de recherche et de référence sont révélateurs. La Commission a recueilli de nombreux documents classés par province, par bande et par revendication : des sources historiques remontant jusqu’au début du 19e siècle, des transcriptions de débats parlementaires et d’innombrables coupures de journaux, provenant souvent de quotidiens autochtones locaux.
Ces coupures offrent un aperçu des enjeux qui entourent les relations houleuses entre les Autochtones et les non-Autochtones dans les années 1970. Elles reflètent également une autre fonction de la Commission : celle-ci ne se contente pas d’évaluer les politiques et la logistique liées aux revendications territoriales; elle examine aussi la perception de ces enjeux au sein du public, en particulier dans les communautés autochtones. Les articles publiés dans les médias montrent dans quel contexte s’inscrivent les recommandations générales de la Commission et ses interventions concrètes dans le cadre de certains griefs.

Coupure de journal portant sur la Déclaration des Dénés de 1975. Bibliothèque et Archives Canada, page 21 (e011267159)
En 1977, la Commission des revendications des Indiens dépose un rapport percutant résumant ses constatations et ses recommandations. Elle est ensuite remplacée par la Commission des droits des Indiens du Canada, qui poursuit le travail de Barber et renforce les relations établies.
La Commission Barber, entourée de conflits et de contradictions, parvient non seulement à gérer la situation précaire entre le gouvernement et les communautés autochtones, mais aussi à transformer les protestations des années 1970 en occasions de dialogue et de négociation. Elle demeure un facteur déterminant dans cette période cruciale des relations entre l’État et les Autochtones.
Ce blogue fait partie d’une série portant sur les Initiatives du patrimoine documentaire autochtone. Apprenez-en plus sur la façon dont Bibliothèque et Archives Canada (BAC) améliore l’accès aux collections en lien avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Voyez aussi comment BAC appuie les communautés en matière de préservation d’enregistrements de langue autochtone.
Masha Davidovic est adjointe aux archives pour l’initiative de numérisation du patrimoine autochtone Nous sommes là : Voici nos histoires au sein de la Direction générale des services au public à Bibliothèque et Archives Canada.