Polysar ou l’aventure de la production du caoutchouc synthétique au Canada

Par François Larivée 

Les personnes nées avant 1980 se souviendront peut-être de l’image d’un important complexe industriel figurant au verso des billets de 10 dollars. Ce dessin représentait en fait l’usine Polysar (originellement Polymer) à Sarnia (Ontario) et il a figuré sur le billet violet entre 1971 et 1989. Or l’histoire de cette entreprise, qui fut créée en 1942 en tant que société de la Couronne par le gouvernement du Canada et dont Bibliothèque et Archives Canada possède le fonds d’archives, est assez fascinante.

Photographie noir et blanc montrant, en avant-plan, trois grands réservoirs sphériques et un enchevêtrement complexe de tuyaux alors qu’en arrière-plan, se trouve une très haute cheminée d’où s’échappent une flamme et de la fumée. On y voit également un bâtiment équipé de cinq autres cheminées.

Vue de tuyaux et de trois réservoirs sphériques Horton contenant un mélange de butylène et de butadiène utilisé dans la fabrication de caoutchouc synthétique à l’usine Polymer Rubber Corporation, septembre 1944 (MIKAN 3627791)

Les grands débuts

Avant la Deuxième Guerre mondiale, presque tout le caoutchouc consommé au Canada (et ailleurs dans le monde) était d’origine naturelle et provenait des plantations de l’Asie du Sud-Est. Cependant, la situation changea radicalement au cours de la Deuxième Guerre mondiale. En effet, après l’attaque de Pearl Harbor par les Japonais en décembre 1941 et leur emprise sur une grande partie de l’Asie du Sud‑Est, il devint crucial pour les alliés de trouver une nouvelle source d’approvisionnement en caoutchouc. La seule option envisageable à court terme était la production de caoutchouc synthétique. Au Canada, ce fut l’honorable C.D. Howe, récemment nommé responsable du nouveau ministère des Munitions et des Approvisionnements, qui fut responsable de piloter le projet.

Il fallut créer rapidement une usine capable de produire du caoutchouc synthétique, ce qui demandait beaucoup d’audace et d’inventivité, car bien que les processus chimiques étaient déjà connus à cette époque, un complexe industriel dédié à ce genre de production n’avait encore jamais été réalisé en Amérique. Howe décida donc de créer la Société Polymer Limitée, une propriété de la couronne, qui se chargerait de cette production.

L’autorisation pour la construction du complexe de Sarnia fut donnée par Howe le 21 janvier 1942. Le site de Sarnia fut choisi en raison des facteurs suivants : son emplacement stratégique, notamment la facilité d’approvisionnement en matière première (le pétrole); la proximité des principales usines fabricant les produits à base de caoutchouc; et finalement, la grande quantité d’eau à basse température facilement accessible (utilisée dans le système de refroidissement de l’usine).

Photographie noir et blanc montrant à partir du sol, en avant plan, un soudeur chevauchant dans les airs un tuyau et en arrière-plan, deux cheminées d’extraction dont l’une est encore entourée d’échafaudage.

À l’usine de la Société Polymer Limitée, un soudeur se tient assis sur un tuyau pendant la construction des tours d’extraction, octobre 1943 (MIKAN 3626175)

Les travaux progresseront très vite puisque l’usine sera officiellement opérationnelle le 29 septembre 1943. La phase finale de construction sera complétée en février 1944. Il s’agit d’une réalisation exceptionnelle, si l’on tient compte de la complexité du projet et de la rapidité avec laquelle celui‑ci a été réalisé.

Une société de la couronne qui réussit

Les capacités de production de la Société Polymer suffirent rapidement à alimenter les besoins militaires et civils du Canada. Le projet fut donc une véritable réussite, ce qui permit à la Société Polymer de poursuivre ses activités après la guerre et de se lancer dans l’exportation et la création de filiales à l’étranger. La grande énergie consacrée à la recherche et au développement contribua également au succès de l’entreprise. Les archives de la compagnie témoignent d’ailleurs largement de cet aspect des activités de l’entreprise.

Photographie noir et blanc montrant une technicienne vêtue d’un sarrau blanc, faisant des expériences en face d’un appareil de laboratoire. En arrière-plan, nous voyons de dos une autre technicienne ainsi que d’autres appareils.

L’employée Muriel McKegney de Sarnia (Ontario) travaille avec un appareil dans le laboratoire de fabrication de caoutchouc synthétique de la Société Polymer Limitée, octobre 1943 (MIKAN 3626180)

Photographie noir et blanc montrant deux techniciennes de laboratoire vêtues de sarraus blancs. Celle qui apparait en avant-plan remue une solution dans une éprouvette alors que l’autre, en arrière-plan, tient dans ses mains une pièce de caoutchouc synthétique qu’elle observe.

Au laboratoire de la Société Polymer Limitée, les employées Bernice Galletly et Kathleen Killoran, toutes deux de Toronto (Ontario), font des essais sur du caoutchouc synthétique, octobre 1943 (MIKAN 3626168)

Photographie noir et blanc d’un technicien qui observe des ballons contenant diverses solutions et suspendus dans un bassin rempli de liquide.

Technicien de laboratoire de la Société Polymer Limitée à Sarnia, 1953 (MIKAN 3587298)

Une des sociétés de la Couronne ayant le plus profité à l’État canadien, Polymer (rebaptisée Polysar en 1973), fut finalement privatisée et vendue par le gouvernement à la compagnie Nova en 1988. Le complexe industriel appartient aujourd’hui à la compagnie Arlanxeo.

Sources connexes :


François Larivée est archiviste dans la  Division Science, gouvernance et politique de Bibliothèque et Archives Canada

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