Conservateur invité : J. Andrew Ross

Bannière pour la série Conservateurs invités. À gauche, on lit CANADA 150 en rouge et le texte « Canada: Qui sommes-nous? » et en dessous de ce texte « Série Conservateurs invités ».Canada : Qui sommes-nous? est une nouvelle exposition de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) qui marque le 150e anniversaire de la Confédération canadienne. Une série de blogues est publiée à son sujet tout au long de l’année.

Joignez-vous à nous chaque mois de 2017! Des experts de BAC, de tout le Canada et d’ailleurs donnent des renseignements additionnels sur l’exposition. Chaque « conservateur invité » traite d’un article particulier et en ajoute un nouveau — virtuellement.

Ne manquez pas l’exposition Canada : Qui sommes-nous? présentée au 395, rue Wellington à Ottawa, du 5 juin 2017 au 1er mars 2018. L’entrée est gratuite.


Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde — terminologie historique.

Une page sur Joliette, au Québec – premier recensement du Canada, 1871

Vous avez remarqué l’entrée d’Adolphe Perrault? En 1871, être voyageur est un gagne-pain! Au fil du temps, les recensements sont devenus la base de la politique sociale et de nombreux programmes qui définissent l’identité canadienne.


Les Canadiens devraient-ils savoir autre chose à ce sujet selon vous?

Depuis l’intendant Jean Talon, qui ordonne le premier recensement de la population européenne en Nouvelle-France en 1665-1666, les fondateurs du Canada moderne veulent connaître les aspects démographiques, sociaux et économiques des populations. BAC possède de nombreux documents sur les recensements, notamment une collection de microfilms presque complète des formulaires remplis à la main par chacun des énumérateurs (comme on appelait les recenseurs à l’époque) ayant fait du porte-à-porte, en 1871, pour recueillir de l’information dans le cadre du premier recensement après la Confédération.

Les énumérateurs devaient remplir jusqu’à neuf tableaux portant sur les caractéristiques de la population, les décès, les activités économiques, etc. Le recensement canadien se distingue par une question du tableau 1 (Dénombrement des vivants) demandant de l’information sur les origines, une question importante dans un pays composé de quatre provinces et d’une grande diversité de cultures, où il y a des tensions politiques entre deux groupes linguistiques majeurs.

Qu’entendait-on par « origines »? Le manuel donnant les directives pour les énumérateurs ne fournit pas beaucoup de détails, seulement quelques exemples : « L’origine des familles et des individus doit‑être inscrite telle que donnée par le chef de famille ou la personne interrogée comme suit : Anglaise, Irlandaise, Écossaise, Africaine, Sauvage, Allemande, Française etc. ». Sauf quelques exceptions (Sauvages, Métis, Indous et Juifs), les réponses acceptées correspondent aux pays d’origine plutôt qu’aux cultures.

Ironiquement, lors du premier recensement national, la réponse « Canadien » ne constitue pas une option parce que les auteurs des questions veulent distinguer clairement les Français, les Anglais et les autres groupes. Permettre de répondre « Canadien » aurait pu réduire la taille d’un groupe et avoir des conséquences néfastes pour la représentation politique et la fierté culturelle.

Parlez-nous d’un élément connexe que vous aimeriez ajouter à l’exposition.

Cette caricature astucieuse tirée du Canadian Illustrated News du 6 mai 1871, que BAC possède dans sa collection, montre comment la question sur les origines pourrait donner lieu à des conversations plutôt comiques :

Énumérateur : « De quelles origines êtes-vous, Madame? »

Dame : « Nous sommes Canadiens, bien sûr! »

Énumérateur : « L’origine canadienne ne fait pas partie des options. »

Dame : « Alors suivez la théorie de Darwin et inscrivez que nous descendons des singes! »

Caricature en noir et blanc montrant un énumérateur qui parle à une femme assise à un bureau.

Caricature du Canadian Illustrated News (AMICUS 133120) représentant une conversation possible sur le premier recensement (numéro du 6 mai 1871, page 288, e011180501)

Il ne s’agit pas seulement d’une bonne blague, mais aussi d’une observation perspicace. Après tout, que sont les origines d’une personne? Jusqu’où faut-il remonter? Puisque le lieu de naissance n’est pas pris en compte (il est consigné séparément), s’agit-il de l’héritage culturel du père ou de la mère? Pourquoi les personnes dont la famille réside au pays depuis des siècles ne peuvent-elles pas être considérées comme Canadiennes dans le cadre du recensement?

Selon les directives, l’énumérateur de la caricature aurait été en droit d’inscrire « primate ». Dans la pratique toutefois, les entrées sont vérifiées avant le comptage, et changées lorsqu’elles sont jugées inappropriées. C’est ainsi que des milliers de personnes se décrivant comme Canadiennes (ou Américaines) se sont vu attribuer une autre origine, habituellement fondée sur leur nom de famille. Lorsque les résultats sur l’origine ont été publiés, à l’automne 1871, « Canadien » n’était pas une catégorie.

Au 20e siècle, l’origine commence à porter moins sur la nationalité d’une personne que sur sa culture, un concept qui a pris le nom d’« ethnicité ». Dans ce contexte, les questions sur l’origine incluses dans les recensements visaient à connaître l’ethnie du premier ancêtre paternel venu s’établir au Canada.

Cette idée ne convient pas à tout le monde. Par exemple, le 13e premier ministre du Canada, John George Diefenbaker, était fier de son héritage ethnique mixte et encore plus fier de ne pas l’avoir dévoilé aux recenseurs. Dans ses mémoires, il écrit (ne vous gênez pas pour ricaner) :

« Je ne me suis jamais inscrit comme le demandaient les recensements. Je suis Canadien, et c’est comme tel que je m’inscris. Quand j’étais premier ministre, je me suis assuré que le recensement de 1961 contenait la question “Êtes-vous Canadien?”. Même si les libéraux et les bureaucrates en place désapprouvaient le changement et l’ont annulé quand j’ai quitté le pouvoir, des centaines de milliers de Canadiens ont répondu affirmativement à cette question, avec une grande fierté. » [traduction]

La question de Diefenbaker n’a pas remplacé celle sur les origines, qui a continué d’être posée, mais elle pourrait avoir mené au changement officiel de politique survenu en 1971 – 100 ans après le premier recensement. Ce changement a permis de répondre « Canadien » à la question sur les origines (laissant le recenseur consigner cette réponse sans qu’elle soit changée). Seulement 71 000 personnes se sont dites Canadiennes cette année-là, mais ce nombre a crû rapidement au cours des quarante années suivantes. En 2011, plus de 10 millions de personnes ont répondu « Canadien », et 6 millions d’entre elles n’ont mentionné aucune autre origine. Le recensement de 2016 demandait : « Quelles étaient les origines ethniques ou culturelles des ancêtres de cette personne? » Nous saurons bientôt combien de personnes souhaitent maintenant être comptées parmi les Canadiens dans le cadre du recensement.

Biographie

Une photo en couleur d'un homme debout devant un tableau.J. Andrew Ross est archiviste à la Direction générale des documents gouvernementaux de BAC.

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