Le fonds de la Cour de l’Échiquier

Par Johanne Noël

En 1875 naissait la Cour de l’Échiquier du Canada

La Cour de l’Échiquier et la Cour suprême du Canada ont été créées par la même loi : la Supreme and Exchequer Courts Act. La Cour de l’Échiquier a été active de 1875 à 1971, année de création de la Cour fédérale.

Les causes à la Cour de l’Échiquier étant moins fréquentes, elles étaient entendues par les juges de la Cour suprême. De 1875 à 1887, ceux-ci ont parcouru le Canada en rotation à cette fin. En 1887, la Cour de l’Échiquier est devenue une cour à part entière; c’est son premier juge, l’honorable George Wheelock Burbidge, qui en a écrit les règles de procédure.

Photo noir et blanc montrant un homme moustachu portant un complet et une chemise blanche.

George Wheelock Burbidge, septembre 1891. Photo : William James Topley (MIKAN 3213416)

Les documents du fonds de la Cour de l’Échiquier

La très grande majorité des documents qui se trouvent dans le fonds de la Cour de l’Échiquier à Bibliothèque et Archives Canada sont des dossiers relatifs à des causes. S’y ajoutent les travaux spéciaux de la Cour, la correspondance, les procès-verbaux d’audience, les registres divers et les plumitifs.

Le plumitif

Le registraire de la cour tient un gros registre, appelé plumitif, où il enregistre les causes de façon chronologique. Pour chacune, il inscrit un numéro, les noms du plaignant et du défendeur, ainsi que le nom de leur avocat respectif. Tout au long du processus, il liste les documents déposés à la Cour, avec la date du dépôt et le coût de l’enregistrement. Un plumitif peut renfermer de nombreuses causes et avoir jusqu’à 10 centimètres d’épaisseur.

Page couverture d’un album en cuir et en velours cordé usés, sur laquelle est écrit : « Docket Record. Exchequer Court of Canada. 8435-12544. August 27, 1927 – August 5, 1930 ».

Page couverture d’un plumitif (MIKAN 4628412)

Les dossiers relatifs à des causes

Les dossiers relatifs à des causes peuvent comprendre une multitude de documents, le premier étant souvent la pétition de droit (petition of rights), ou déclaration du plaignant. Elle explicite les faits reprochés et les réclamations de ce dernier. Le défendeur répond ensuite à cette déclaration, puis une date est fixée pour le procès. Entretemps, des pièces s’ajoutent au dossier, plus ou moins nombreuses selon l’envergure du procès. Le jugement rendu par le juge est sans contredit l’une des pièces majeures du dossier.

La très grande majorité des documents sont présentés en anglais; ceux présentés en français sont traduits.

La cause no 18029

The King v. Isabel Gertrude Spencer, 25 juin 1938 : Information: Expropriation of land for purposes of Jericho Beach Air Station. Amount tendered $49,150.00.

Cette cause opposait le plaignant – le Gouvernement du Canada, représenté par le Roi – à la défenderesse Isabel Gertrude Spencer, épouse du colonel Victor Spencer. Les documents les plus intéressants pour la comprendre sont la déclaration sur l’expropriation, la déclaration de la défense, le jugement et les raisons du jugement.

Page d’un plumitif. Le titre comprend le numéro de la cause, le nom des parties et de leurs avocats et la nature de la poursuite. Le reste de la page énumère les documents déposés à la Cour, avec la date et le coût associés à chacun.

Page 15 du plumitif illustrant les documents déposés à la Cour dans la cause no 18029. (MIKAN 4631238)

Le 25 juin 1938, le gouvernement (représenté par le Roi) dépose une déclaration. Ce premier document a pour but de signifier l’expropriation d’une propriété appartenant à Isabel Gertrude Spencer, à qui on offre une compensation financière. La raison de l’expropriation : l’Aviation royale du Canada veut construire sur ce terrain un mess des officiers pour la station aérienne de Jericho Beach, à Vancouver.

La déclaration d’expropriation

Lorsque le Roi ou la Reine intente la poursuite, comme c’est le cas ici, il ou elle dépose devant la cour une requête, appelée information en anglais. (Si la cause est intentée par un particulier, celui-ci dépose plutôt une pétition de droit.)

Page dactylographiée d’une requête concernant une expropriation.

L’honorable Ernest Lapointe, procureur général du Canada, au nom du Roi, dépose une requête concernant l’expropriation de la propriété d’Isabel Gertrude Spencer (MIKAN 4936613)

La déclaration de défense

La partie défenderesse a quatre semaines pour réagir par une déclaration de défense. C’est ce qui se produit dans cette cause : le 6 août 1938, madame Spencer dépose un document expliquant pourquoi elle est en désaccord avec le montant offert. S’y joignent diverses pièces à conviction afin d’appuyer sa plaidoirie devant la Cour, dont une carte de Jericho Beach illustrant la base aérienne et la situation de la propriété par rapport à celle-ci.

Page dactylographié montrant la déclaration de défense de Mme Spencer. Un timbre à l’effigie de George V y est apposé au bas, avec la mention « 1 dollar. Canada. Law Stamp. »

Déclaration de défense de Mme Spencer. En gros plan, le timbre atteste que la défenderesse a acquitté la somme d’un dollar pour le dépôt du document (MIKAN 4936614)

Pièce à conviction A

La défenderesse présente quelques pièces à conviction numérotées de A à M pour étayer son argumentaire. La pièce A est une carte d’une partie de Vancouver, près de Jericho Beach, où est encerclée sa propriété rue Trimble.

Carte sur laquelle est encerclée la propriété d’Isabel Gertrude Spencer. On peut voir sur une deuxième page le numéro de la cause, le titre « The King and Spencer », le numéro de dossier, la date et, au bas, un timbre de 10 cents montrant que le dépôt a été acquitté.

Carte d’une partie de Vancouver, près de Jericho Beach. Le lot où se situe la propriété d’Isabel Gertrude Spencer est encerclé. On peut voir au dos de la carte l’intitulé de la cause et un timbre de 10 cents, soit le coût pour déposer ce document devant la cour (MIKAN 4936615)

Le jugement

Le 21 août 1939, la Cour tranche en faveur de la défenderesse, qui reçoit la somme de 94 446 $, auxquels s’ajoutent les frais judiciaires.

Deux pages dactylographiées du jugement. La première (la page couverture) montre les informations de base : nom, dossiers, date, etc. La deuxième montre le texte du jugement.

Jugement rendu dans la cause The King v. Isabel Gertrude Spencer. Au dos, on peut voir qu’il était plié en deux dans le sens de la longueur, ce qui était souvent le cas avec de tels documents afin qu’on puisse les insérer dans une pochette avec d’autres pièces connexes (MIKAN 4936616)

Les raisons du jugement

Dans un exposé de 18 pages présenté en même temps que son jugement, le juge explique les raisons pour lesquelles il ordonne de dédommager la défenderesse pour un montant de 94 446 $. Il s’agit d’un document intéressant, notamment parce que le juge y détaille les bâtiments et les différentes installations sur la propriété pour en évaluer la valeur et la comparer à l’offre du gouvernement.

Deux pages dactylographiées. La première montre les informations de bases relatives à la cause, et la deuxième, une liste des installations sur la propriété et de leur évaluation foncière.

Page titre du document intitulé Reasons for judgment (les raisons du jugement), et page 7 montrant une liste des installations évaluées par le juge après les témoignages d’experts, dont un architecte, un agent immobilier et un jardinier (MIKAN 4936631)

Comme on peut le constater, les documents relatifs à une cause peuvent servir aux générations futures qui souhaitent rechercher des informations sur une propriété, une famille, une communauté ou tout autre sujet lié.

Ressources connexes


Johanne Noël est archiviste intérimaire au sein de la Division des archives privées à Bibliothèque et Archives Canada.

 

 

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