L’expansion de la Montreal Rolling Mills Co.

Par Lucie Paquet, archiviste séniore

En 1900, Montréal est une ville industrialisée. On y aperçoit de nombreux bâtiments logeant des complexes industriels. Parmi les plus importants, il y a la Dominion Bridge Company (R5607) qui élabore de superstructures de ponts et chaussées. La Montreal Rolling Mills Co. quant à elle, transforme le fer et l’acier en de multiples produits de construction. Chacun de ses ateliers possède sa propre fonction. Les mécanismes de fonctionnement des machineries à l’intérieur des usines sont de plus en plus ingénieux, plus puissants et plus rapides. De l’artisan-forgeron, l’ouvrier salarié s’installe au service de la machine. À l’aide d’immenses moteurs équipés de courroies à transmission hydraulique, les ouvriers s’activent aux commandes des fournaises, déplacent les chaudières, chauffent et coulent le fer brûlant dans des moules, le modèlent, le martèlent et le coupent. Tout cela avec la chaleur intense, la fumée, le bruit, la poussière et les gaz dégagés par les machines.

Dessin noir et blanc montrant un complexe industriel en 1900.

Dessin de la Montreal Rolling Mills Co. provenant d’un entête de lettre, 1900, vol. 278, dossier 1 (MIKAN 4932178)

Les ouvriers produisent des clous, des vis, des boulons, des scies, des haches, des tuyaux, des fers à cheval, des rails de chemins de fer et diverses structures pour les besoins en agriculture, en transport et en construction.

Images couleur montrant la couverture et deux pages du catalogue des produits en 1908.

Couverture du catalogue et liste des produits, 1908, vol. 252, dossier 3 (MIKAN 4932171)

Le chiffre d’affaires de la Montreal Rolling Mills Co. augmente, mais cette progression n’est pas sans conséquence. Elle changera dorénavant l’organisation du monde du travail, des conditions de travail en milieu urbain et des rapports sociaux entre employeurs et employés.

Photographie noir et blanc montrant un ouvrier manipulant une barre de fer chauffée.

Photographie d’un ouvrier manipulant une barre de fer chauffée, reproduction tirée de la brochure intitulée «The 25th Milestone, A Brief History of Stelco», page 21, vol. 274, dossier 1 (MIKAN 4932172)

Les ouvriers, dont un grand nombre d’immigrants, fournissent une main-d’œuvre à bon marché. Presque la moitié des ouvriers sont de jeunes garçons. Ils travaillent aux usines et s’installent à proximité du canal Lachine formant des quartiers ouvriers.

Liste des métiers et des ouvriers de la Montreal Rolling Mills Co. et de la J.C. Hodgson Iron and Tube Co. en 1891 et dessin des usines de la Montreal Rolling Mills Co.

Liste des métiers et ouvriers de la Montreal Rolling Mills Co. et de la J.C. Hodgson Iron and Tube Co., 1891. À droite, dessin montrant l’emplacement des moulins de la Montreal Rolling Mills Co., 1891, vol. 116, dossier 1 (MIKAN 4932163)

Reproduction d’un formulaire d’engagement d’un ouvrier étranger par la Dominion Labour Exchange en 1907.

Exemple d’un formulaire d’engagement d’un ouvrier étranger par la Dominion Labour Exchange pour la Montreal Rolling Mills Co., 10 mai 1907, vol. 2, dossier 10 (MIKAN 4932148)

L’ouvrier travaille en moyenne dix heures par jour et six jours par semaine. Son salaire est de 1,75 $ à 3,00 $ par jour, plus bas durant l’hiver, car la production cesse une partie de ses activités.

Image montrant une liste des salaires en 1897.

Liste des salaires d’une partie des dirigeants et des travailleurs de la Montreal Rolling Mills Co., 29 décembre 1897, vol. 107, dossier 11 ()

À cette époque, une livre de clous ordinaires se vend à 0,66 $ et deux livres de clous à fer à cheval se vendent à 2,25 $.

Les conditions de travail des ouvriers étaient pénibles, l’air malsain et les dangers de brûlures; la perte d’une section d’un doigt, d’un bras ou d’une jambe était fréquente comme le montre cette liste des accidents produite par l’Hôpital général de Montréal en 1907.

Document de deux pages montrant une liste des ouvriers accidentés traités à l’Hôpital général de Montréal en 1907.

Liste des ouvriers accidentés provenant de la Montreal Rolling Mills Co. traités à l’Hôpital général de Montréal en 1907 (document annexé à une lettre adressée à Ross McMaster), vol. 5, dossier 28 (MIKAN 4932154)

La correspondance des dirigeants de l’entreprise révèle l’existence régulière de grèves et de la difficulté de maintenir les hommes au travail. Certains ouvriers quittent leur emploi et protestent pour améliorer leurs conditions. Ce n’est que vers 1920 que les conditions commenceront à s’améliorer.

Document montrant une liste des ouvriers en grève en 1909.

Liste des ouvriers en grève le 12 juillet 1909, vol. 92, dossier 15 (MIKAN 4932157)

Les usines sont éclairées par des matières inflammables et elles sont souvent détruites par le feu. La plupart sont reconstruites en briques et en pierres, alimentées par de nouvelles sources d’énergie dont le gaz et non par de traditionnelles lampes à l’huile. L’électricité est plus tard introduite graduellement.

Un plan en couleur montrant une grande usine.

Plan d’assurance de la Montreal Rolling Mills Co. en 1901, incluant des modifications apportées en 1907 à certains bâtiments, vol. 122, pièce 7 (MIKAN 4932168)

Au tournant du XXe siècle, la Montreal Rolling Mills Co. cherche à augmenter ses effectifs et ses investissements. En 1903, elle obtient le financement de la Banque de Montréal (R3710) pour acheter deux de ses principaux concurrents montréalais : la Pillow-Hersey Manufacturing Co. et la Hodgson Iron and Tube Company. Cet évènement coïncide avec l’époque de la concentration de capitaux régionaux et la fin de la guerre des Boers.

Les usines de la Pillow-Hersey Manufacturing Co. sont situées au coin des rues St-Patrick et Condé, sur la rue Mill et sur la rue William. Elles se spécialisent depuis 1852 dans la production de clous divers et de barres de métal. Les dirigeants de cette entreprise sont issus de familles de marchands britanniques qui ont émigré à Montréal au début du XIXe siècle. Ce sont John Theodore Bigelow et John A. Pillow. John Randolph Hersey vient par la suite se joindre à l’entreprise familiale. Inventeur prospère, John Randolph Hersey contribue largement au développement et à l’amélioration de l’équipement de transformation du fer comme le montrent ci-dessous quelques dessins annexés à un brevet d’invention.

Deux dessins montrant des brevets d’invention pour une fournaise.

Dessins annexés au brevet d’invention intitulé « Improvements in Furnaces » tracés et signés par John Randolph Hersey, mars 1891, vol. 118, dossier 7 (MIKAN 4932167)

La Hodgson Iron and Tube Co. est créée en 1888 par les marchands John C. Hodgson et Charles Hodgson. Située dans le quartier Saint-Henri, l’usine produit principalement des tuyaux pour la construction résidentielle et commerciale. Elle est la plus importante usine de construction de tuyaux au Canada. En prenant le contrôle de la Pillow-Hersey Manufacturing Co. et de la Hodgson Iron and Tube Co., la Montreal Rolling Mills Co. possède au début du XXe siècle un grand complexe industriel.

Spécialisée et mieux outillée, elle ne peut cependant pas faire face seule aux difficultés qu’entraînent les frais d’approvisionnement et de transport des matières premières, les coûts de production, les tarifs protectionnistes et la concurrence des entreprises étrangères. Une entente entre les principales entreprises ontariennes et québécoises de transformation du fer devient essentielle à la continuité du commerce et pour procurer au Canada ce dont il a besoin pour son expansion.

Photographie d’un document montrant la comparaison des prix entre les États-Unis et le Canada pour le transport des produits en Colombie-Britannique en 1891.

Comparaison des prix entre les États-Unis et le Canada pour le transport des produits en Colombie-Britannique en 1891, vol. 116, dossier 1 (MIKAN 4932162)

La Montreal Rolling Mills Co. et quatre autres grandes entreprises fusionnent et fondent en 1910 The Steel Company of Canada Ltd. Les usines de Montréal sont maintenues et rénovées et la productivité augmente. Pendant presque tout le XXe siècle, la Montreal Rolling Mills Co. continue ses activités comme étant un des départements dans cette nouvelle superstructure corporative. Elle participe activement au développement de l’Ouest canadien, à l’amélioration de la canalisation du fleuve Saint-Laurent et à l’augmentation du transport maritime sur les Grands Lacs. Elle explore de nouveaux sites miniers et elle ouvre de nouveaux centres commerciaux. En 1914, le déclenchement de la Première Guerre mondiale lui imposera des exigences et des défis jamais atteints jusqu’alors.

Ressources connexes


Lucie Paquet est archiviste séniore à la Division Science, gouvernance et politique de Bibliothèque et Archives Canada.

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