Par Lucie Paquet, archiviste séniore
Au tournant de la seconde moitié du XIXe siècle, le Québec amorce une ère de croissance industrielle. Située à l’intérieur de l’un des plus importants réseaux de canalisation en Amérique du Nord, Montréal devient un centre industriel stratégique. L’expansion de son port de mer, l’élargissement du canal Lachine et l’exploitation de l’énergie hydraulique attirent de nombreux investisseurs. Les hommes d’affaires saisissent l’occasion d’y fonder une multitude de manufactures de transformation de matières premières, comme des fonderies. La Montreal Rolling Mills Co., spécialisée dans la transformation de produits en acier, devient l’une des entreprises les plus prospères de la métropole.

Dessin de la Montreal Rolling Mills Co. provenant d’un en-tête de lettre, 1868, vol. 274, dossier 14 (MIKAN 4932176)
Bibliothèque et Archives Canada possède 7 mètres de documents produits par la Montreal Rolling Mills Co. Les documents sont conservés dans les archives de la Steel Company of Canada Limited (R15513). Le bureau corporatif de cette compagnie, fondé par la fusion de cinq grandes compagnies d’acier (la Montreal Rolling Mills Co., la Hamilton Steel and Iron Company, la Canada Screw Company, la Canada Bolt and Nut Co. et la Dominion Wire Manufacturing Co.), s’installe en 1910 à Hamilton, en Ontario. Les titres de propriétés, les contrats de vente, les contrats d’assurance, les états financiers et autres documents servant à l’administration et aux affaires courantes ont été archivés dans cette ville jusqu’à leur transfert à Bibliothèque et Archives Canada en 2006. La majorité comprend des documents textuels et des dessins techniques. On retrouve peu de photographies, mais leur absence peut être compensée par les archives de la Dominion Bridge Company elles aussi conservées à Bibliothèque et Archives Canada.
Parmi les documents les plus importants de la Montreal Rolling Mills Co., il y a les livres de comptes, les listes et transactions des actionnaires, les comptes rendus de leurs réunions, la correspondance entre marchands, les états financiers, et les contrats d’achat de terrains et de bâtiments situés près du canal Lachine. Ils permettent d’analyser en détail le changement industriel qui s’opère à Montréal au XIXe et au début du XXe siècles.
Le 8 mai 1868, l’année suivant la Confédération, plusieurs marchands quincailliers de la ville de Montréal se rencontrent dans les bureaux de la Morland, Watson & Company dans le but de former une nouvelle compagnie : la Montreal Rolling Mills Co.

Page couverture d’un registre de procès-verbaux et texte d’une rencontre tenue en 1870 par les directeurs et les actionnaires de la compagnie, vol. 101, dossier 1 (MIKAN 4932158)
Ce regroupement d’industriels permet d’accumuler les capitaux nécessaires au financement de l’entreprise lui permettant d’investir, d’agrandir ses infrastructures et diversifier ses produits.
Thomas Morland fut nommé président, E. M. Hopkins, vice-président, et C. S. Watson, secrétaire. Vient par la suite se joindre William McMaster qui assumera le rôle de secrétaire et sera l’un des principaux actionnaires de l’entreprise à partir de 1873.

Portraits de Thomas Morland, Charles S. Watson et William McMaster, vol. 274, dossiers 2-4 (MIKAN 4932174, 4932173 et 4932175)
Entre 1880 et 1900, la Montreal Rolling Mills Co. augmente son chiffre d’affaires et produit une partie des produits en acier dont le Canada a besoin. Par la suite, elle ouvre des bureaux de vente à l’étranger pour sécuriser ses exportations.

Petit livret de comptes ayant appartenu à C. S. Watson, 1883, vol. 108, dossier 3 (MIKAN 4932161)
Ross H. McMaster, fils de William McMaster, prend la relève de son père à partir de 1905 et devient l’un des dirigeants les plus importants, non seulement de la Montreal Rolling Mills Co. mais quelques décennies plus tard, de The Steel Company of Canada Ltd. On le surnommera « Mr. Steel » à cause des cinquante années de carrière dans cette industrie.

Photographie des membres de la conférence des ventes de la Montreal Rolling Mills Co. tenue en 1904, une des rares où l’on aperçoit William McMaster (au centre de la première rangée) avec son fils Ross (deuxième à gauche de la deuxième rangée) (MIKAN 4932307)
Les nombreuses lettres écrites par les dirigeants à partir de 1879 nous renseignent sur l’évolution et les difficultés de l’entreprise, sur les ventes et sur les transactions, non seulement entre les hommes d’affaires de Montréal, mais avec ceux des autres provinces et des États-Unis.
Avec l’aide de William Molson, président de la Banque Molson, et de Peter Redpath, fils du magnat du sucre, la Montreal Rolling Mills Co. augmente son capital-actions, accroît ses activités et devient une entreprise imposante comme le montre cet inventaire des terrains, des édifices et de la machinerie.

Inventaire des terrains, des édifices et de la machinerie, registre no 2, 1904-1906, vol. 39, dossier 1 (MIKAN 4932156)
Les marchands sont avides de nouvelles inventions mécaniques et à l’affût de nouveaux procédés de transformation qui augmentent la qualité de l’acier.

Lettre et dessins illustrant la fabrication de fers à cheval munis d’une pesée de sabot, les « Toe Weight Horse Shoes », 1906, vol. 3, dossier 13 (MIKAN 4932151)
C’est l’époque de la grande effervescence industrielle. Des hauts fourneaux plus performants, alimentés d’abord par le charbon, puis par le gaz et enfin par l’électricité, sont introduits.
Les nombreuses lettres écrites par Ross. H. McMaster témoignent des changements et des rivalités que se livrent les marchands pour se procurer les nouvelles machines. Tout comme ses concurrents, la Montreal Rolling Mills Co. veut créer de nouveaux produits plus facilement, et surtout, plus rapidement.

Esquisses de deux machines à fabriquer des écrous et des pièces analogues, 1908, vol. 4, dossiers 5 et 11 (MIKAN 4932152 et 4932153)
La machinerie devient plus puissante et la croissance industrielle s’intensifie. La position stratégique de la compagnie, aux abords du canal Lachine, lui permet de maintenir sa production et d’exporter ses nombreux produits. L’amélioration de la navigation intérieure vers les Grands Lacs à la fin du XIXe siècle sera essentielle au développement économique et à l’expansion du commerce vers l’Ouest canadien.
Lucie Paquet est archiviste séniore à la Division science, gouvernance et politique de Bibliothèque et Archives Canada.
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