
Les membres de l’expédition de la rivière Rouge près des chutes Kakabeka, par Frances Anne Hopkins, 1877 (MIKAN 2836614)
En 1870, le colonel britannique Garnet Wolseley (1833–1913) arrive avec ses hommes aux chutes Kakabeka (Ontario), un portage majeur faisant partie intégrante du réseau de rivières et de lacs que les voyageurs devaient emprunter en route vers Fort Garry (aujourd’hui Winnipeg [Manitoba]). Investis de la mission consistant à réprimer la rébellion des Métis (résistance des Métis) au sein de la Colonie de la Rivière-Rouge, plus de 1 000 hommes ont fabriqué des chemins de rondins pour transporter les canots, les provisions, l’équipement et même des canons lors de portages, comme celui de Kakabeka. Le commandement efficace exercé par Wolseley durant l’un des voyages les plus difficiles et les plus pénibles de l’histoire militaire a été reconnu comme un haut fait impressionnant en matière de leadership tactique dans les débuts du Canada.
Œuvre d’une artiste connue pour son réalisme concret étonnant, la peinture à grande échelle et richement détaillée documentant l’accomplissement est une des pièces maîtresses de la collection de Bibliothèque et Archives Canada (BAC). Commandée par le colonel Wolseley lui-même en 1877, la peinture sera l’unique toile dépeignant un véritable événement historique que la peintre britannique Frances Anne Hopkins (1838–1919) aura réalisée.
Encore aujourd’hui, le portrait de l’expédition de Wolseley demeure, selon Georgiana Uhlyarik, conservatrice adjointe de l’art canadien au Musée des beaux-arts de l’Ontario (MBAO), une reconstitution perspicace.
Mme Uhlyarik est la co-conservatrice canadienne d’une nouvelle exposition ambitieuse lancée aujourd’hui au MBAO. La première exposition exclusivement réservée aux peintures de paysages panaméricains du XIXe et du début du XXe siècle, Picturing the Americas, se penche sur les influences possibles des représentations de paysages nord-américains, comme celle-ci de Mme Hopkins, en tant que symboles de l’émergence d’identités nationales. Le sujet de l’œuvre de la peintre Hopkins est, après tout, une opération militaire entreprise surtout pour lutter contre l’expansionnisme américain éventuel.
On sait depuis longtemps que Mme Hopkins a volontairement modifié certains détails du paysage de Kakabeka afin d’insuffler plus de puissance à sa composition. Il est probable qu’elle n’ait jamais eu l’intention d’inclure l’entièreté des chutes, qui sont assez impressionnantes, car elles auraient attiré l’attention, qui devait plutôt être tournée vers les hommes de Wolseley. Les rapides de la rivière sont un produit de l’imagination de la peintre, tout comme les collines en arrière-plan qui s’étendent presque jusque dans les montagnes.
Les observateurs du XIXe siècle auraient-ils perçu un segment du périlleux territoire comme représentant l’ensemble de la route de l’Ouest canadien? Si c’est le cas, la transformation par Mme Hopkins du paysage réel de la région pourrait avoir servi, en partie, à renforcer ce message.
L’exposition Picturing the Americas demeure au MBAO jusqu’au 7 septembre 2015. Ensuite, on la transportera au Crystal Bridges Museum of American Art à Bentonville, en Arkansas (É.‑U.) et au Pinacoteca do Estado de São Paulo (Brésil), dont l’ouverture concordera avec le début des Jeux olympiques d’été de 2016, à Rio de Janeiro.