Les affiches de recrutement ci-dessous font partie d’une collection remarquable de plus de 4 000 affiches de nombreuses nations impliquées dans un conflit armé qui ont été acquises sous la direction de l’archiviste fédéral, M. Arthur Doughty, dans le cadre d’un effort plus large visant à documenter la Première Guerre mondiale.

Une version anglaise et une version française d’une affiche utilisant la même image, mais avec un texte véhiculant des émotions très différentes. (MIKAN 3667198 et MIKAN 3635530)
Alors que la guerre meurtrière sans issue se poursuivait sur le front occidental en 1915, les nations impliquées dans le conflit armé furent forcées d’organiser des campagnes de recrutement dans le but de former de nouvelles divisions d’hommes pour les envoyer au combat. Les deux batailles mentionnées sur l’affiche ne furent certainement pas de grandes victoires pour le Corps expéditionnaire canadien qui venait tout juste de commencer ses opérations militaires. La défense désespérée à Saint-Julien, les opérations durant la Deuxième bataille d’Ypres de même que le résultat non concluant de la bataille de Festubert en mai 1915 étaient les seuls exemples dont les autorités disposaient afin de lever de nouvelles troupes pour le service outre-mer.
Le verset sentimental et l’image patriotique étaient d’usage conventionnel pour ce type d’affiche. Elle ferait appel aux Canadiens qui avaient des liens solides avec la Grande-Bretagne, mais offrirait peu d’encouragements aux Canadiens français, aux communautés des Premières Nations ou à d’autres groupes à s’enrôler. Il est intéressant de noter que le texte n’est pas une simple traduction : en anglais, le thème est le sacrifice héroïque alors qu’en français, il porte sur la fin du carnage et la restauration du « progrès ».
Ces affiches présentent un portrait réaliste d’un soldat au début de la guerre. Ce caporal suppléant est armé d’un fusil Ross dont les graves défauts ont été exposés dans les récits canadiens de la Première Guerre mondiale. Il porte des bottines basses et des bandes molletières (longue bande de tissu enroulée autour de ses mollets) qui étaient moins coûteuses à fabriquer que les bottes au genou, mais qui offraient moins de protection contre le froid et l’humidité. Les casques d’acier n’avaient pas encore été développés, laissant la tête et le haut du corps vulnérables aux éclats d’obus ou à tous les débris projetés.
Il est également alourdi par la pelle MacAdam (qui pend à sa hanche). Cette invention était le résultat d’une collaboration entre le ministre de la Milice et de la Défense, Sir Sam Hughes, et sa secrétaire, Ena MacAdam. Elle tentait de combiner un bouclier personnel et une pelle. La lame de la pelle était percée d’un petit trou qui devait permettre à un soldat couché sur le sol de viser avec son fusil et de faire feu à travers le trou tout en étant protégé par elle. Toutefois, la pelle était trop lourde et la terre passait à travers le trou. De plus, le bouclier était trop mince pour bloquer les balles allemandes! Heureusement, cet outil polyvalent raté a disparu petit à petit de l’équipement standard remis aux soldats avant que la première Division quitte l’Angleterre pour se rendre en France. Cette affiche est un artéfact important de son époque. Elle montre qu’en 1915, les soldats canadiens qui combattaient outre-mer avaient encore un très long chemin à parcourir.

Sam Hughes tenant la pelle McAdam (MIKAN 3195178)